Vice Versa
Inside Out
États-Unis, 2015
De Pete Docter
Scénario : Pete Docter
Durée : 1h34
Sortie : 17/06/2015
Grandir n’est pas de tout repos, et la petite Riley ne fait pas exception à la règle. À cause du travail de son père, elle vient de quitter le Midwest et la vie qu’elle a toujours connue pour emménager avec sa famille à San Francisco. Comme nous tous, Riley est guidée par ses émotions – la Joie, la Peur, la Colère, le Dégoût, et la Tristesse. Ces émotions vivent au Quartier Général, le centre de contrôle de l’esprit de Riley, et l’aident et la conseillent dans sa vie quotidienne. Tandis que Riley et ses émotions luttent pour se faire à leur nouvelle existence à San Francisco, le chaos s’empare du Quartier Général. Si la Joie, l’émotion dominante de Riley, tente de rester positive, les différentes émotions entrent en conflit pour définir la meilleure manière de s’en sortir quand on se retrouve brusquement dans une nouvelle ville, une nouvelle école et une nouvelle maison.
EMOTION PICTURE
Quel est le meilleur Pixar? Le débat est sans fin tant la compagnie a enchaîné les bijoux dans la première moitié de sa filmographie. Là où le consensus semble se former, c'est sur la baisse de régime de la firme depuis quelques années. Tout le monde s'accorde pour dire qu'aucune des productions du studio, tombé lui aussi dans la logique de franchise, n'a atteint le niveau de Là-haut, sorti en 2009. Ce n'est peut-être pas un hasard si le poulain qui vient aujourd'hui redorer le blason de l'écurie est le cinéaste derrière cette dernière grande réussite. Qui a oublié les dix premières minutes de Là-haut? L'iconisation? La dévastation? L'innocence et l'amour et la vie capturés en quelques vignettes? Dès ses premières secondes, Vice versa nous replonge dans cette même perfection. Moins dramatique mais non moins fort, le film renoue avec la pureté que Pete Docter avait exploré dans son précédent mais également dans Monstres et Cie. Difficile de parler d'auteur chez Pixar, notamment parce que les films d'animation sont souvent le fruit d'un effort collaboratif encore plus important que n'importe quel film mais aussi parce que la firme a son brain trust qui participe à chacune de leurs oeuvres. Toutefois, il y a clairement chez Docter un intérêt particulier pour l'enfance et donc la pureté des émotions qui y sont liées et qui semblent être les valeurs de vertu pour le cinéaste. Et cette fois, il s'y confronte de manière frontale.
Déjà dans Monstres et Cie. il était question de l'opposition entre ces deux émotions primales ressenties par les enfants que sont la peur et la joie et c'est à nouveau avec un concept qui parle à l'imaginaire collectif - sans doute, avec Monstres et Cie., le plus représentatif de cette formule chère au studio - que Docter va explorer cet âge formateur avec un "Inception pour enfants" qui, s'il transforme effectivement le récit en rollercoaster, autre marque de fabrique pixarienne, transcende cette mécanique narrative. Déjà parce qu'il réussit à mieux l'intégrer dans la structure générale, contrairement à Wall-E et Là-haut qui étaient vraiment segmentés en deux parties distinctes, la première toujours plus ambitieuse que la seconde, mais surtout parce qu'il l'incarne par le biais de la nature métaphorique de l'univers. Rien n'est théorique, tout devient littéral, chaque lieu représentant une notion différente rendue concrète de la psyché de Riley, la jeune fille qui sert de "décor" au film.
De la même manière, le film parvient à trouver une dialectique dans le montage entre les scènes au Headquarters (un jeu de mots perdus dans la traduction) et les scènes hors de l'esprit de Riley, les unes commentant les autres par les images seules ou par les mots, comme pouvait le faire la série culte Dream On. Ce terrain de jeux n'est que l'un des exemples de la brillante et ludique exploitation du pitch, toujours logique et cohérente, comme en témoignent les actes de chacun des personnages de cette galerie où tous sont parfaits, là aussi une marque des meilleurs Pixar. On pourrait énumérer chacune des idées dont le film est truffé, chacun de ces moments où l'on rit comme pour dire "putain mais oui, bien vu!", chacun des détails (les Unes de journaux, le générique de fin) qui font le génie de Pixar. Vice versa est non seulement drôle mais surtout émouvant, réduisant aux larmes face à la simple beauté des instants de vie capturés, face à l'audace de certaines scènes ou face à un propos qui fait sens. Vice versa est-il le meilleur Pixar? À chacun ses sentiments face au film. Une chose est sûre, il en suscite plus d'une.