Les Veuves
Widows
États-Unis, 2018
De Steve McQueen
Scénario : Gillian Flynn, Steve McQueen
Avec : Viola Davis, Robert Duvall, Colin Farrell, Liam Neeson, Michelle Rodriguez
Photo : Sean Bobbitt
Musique : Hans Zimmer
Durée : 2h08
Sortie : 28/11/2018
Chicago, de nos jours. Quatre femmes qui ne se connaissent pas. Leurs maris viennent de mourir lors d’un braquage qui a mal tourné, les laissant avec une lourde dette à rembourser. Elles n'ont rien en commun mais décident d’unir leurs forces pour terminer ce que leurs époux avaient commencé. Et prendre leur propre destin en main…
CONDOLÉANCES
Le cinéma de Steve McQueen a toujours eu quelque chose d'abrasif, tant et si bien que même un film historique comme 12 Years a Slave pouvait revêtir durant la première heure une mise en scène de film d'horreur mais le cinéaste n'avait jamais oeuvré dans le genre pur. En adaptant une mini-série anglaise des années 90, dont il co-écrit le scénario avec Gillian Flynn (Gone Girl, Sharp Objects), le cinéaste signe sans aucun doute son film le plus mainstream. Une démarche qui permet parfois à certains réalisateurs radicaux de canaliser tout ce qui fait la force de leur cinéma, tant formellement que thématiquement, dans un cadre plus rigoureux. Dans le meilleur des cas, ils ne perdent rien de leur personnalité. Malheureusement, si l'on retrouve tout le long dans le découpage cette approche crue et dure propre au cinéaste, on attendait une oeuvre plus percutante et plus engagée, surtout au vu de la hype qui en parlait comme d’un "Ocean's 8 pour adultes, un divertissement intelligent avec quelque chose à dire".
L’'introduction, avec son montage en parallèle qui met en relation un moment d'amour dans un couple et un braquage qui vrille par le biais d'un cut entre un baiser vorace et une action violente, encapsule d'entrée le propos du film mais celui-ci s’exprimera le reste du temps de manière plus paresseuse. On ne peut nier l'admirable ambition du scénario qui rappelle Heat et The Wire dans sa volonté de dresser un "Chicago Crime Saga" comme canevas où explorer des questions de classe, de race, d'embourgeoisement et de sexisme mais la sensibilité de McQueen ne permet pas de transcender l'écriture certes carrée mais somme toute basique, au même titre que son portrait d'émancipation féminine. Le traitement, souvent superficiel et didactique - combien de dialogues type "trouve-toi un homme pour ça" ou "on va pas se laisser faire par des hommes" qui surlignent le discours - ne témoigne pas du tout de l'esprit dont Flynn est capable. McQueen met la force de son esthétique au service de l'efficacité narrative (cf. le plan-séquence de la fuite du fourgon vu depuis l'intérieur) et le cast est franchement bon (notamment un Daniel Kaluuya félin et létal en méchant) mais l’ensemble laisse un goût moyen en bouche.