Veronica Guerin
États-Unis, 2003
De Joel Schumacher
Scénario : Mary Agnes Donoghue, Carol Doyle
Avec : Barry Barnes, Cate Blanchett, Ciarán Hinds, Gerard McSorley
Durée : 1h38
Sortie : 01/10/2003
Alors que Dublin est tombé à la botte des barons de la drogue au milieu des années 90, une journaliste enquête sur le sujet. Quitte à ignorer les dangers qu'elle encourt...
CHASING THE DRAGON
Les personnages féminins ont beau briller par leur absence dans la filmographie de Joel Schumacher, la journaliste Veronica Guerin trouve parfaitement sa place parmi les vengeurs revenus de tout et les super héros "tétonnés". Il y a chez le réalisateur américain ce perpétuel questionnement vis à vis de la justice que l'on retrouve dans son nouveau film, et qui confirme le tournant opéré avec Tigerland. Si dans Chute Libre ou 8mm, le rapport à la justice passe parfois par l'autodéfense, celui-ci est plus nuancé dans ses derniers films. Tigerland projette ses soldats en apprentissage dans une société recréée au cœur d'un cocon qui semble étranger à l'extérieur, et ainsi à une justice qui ne les concerne plus. Phone Game n'en est plus à la justice des hommes, telle celle de Nicolas Cage qui décide de se venger, mais découle d'une justice divine où le juge devient un maître omniscient à la position dominante, confondant folie et religiosité dans une même ambiguïté. Veronica Guerin, enfin, complète cette radiographie d'un système judiciaire parallèle. Les mites rongeant le parquet d'une société en perdition ne sont plus traquées du poing, mais du regard. La façon de devenir acteur afin de dénoncer un dysfonctionnement sociétal, c'est aussi d'être spectateur, témoin d'une réalité pour en rendre compte et l'observer plus froidement.
QUI VEUT LA PEAU DE VERONICA GUERIN?
Mise en avant d'un bout à l'autre, jamais lâchée par l'œilleton de la caméra, Veronica Guerin est de tous les plans. Schumacher suit ses semelles sans pour autant porter de jugement définitif sur le personnage. Ni sainte ni messie, juste une figure ordinaire dépassée par des circonstances extraordinaires, comme nombre de personnages peuplant le cinéma du réalisateur. Les bas-fonds de Dublin, les bourgades racistes du Mississippi ou les embouteillages de Los Angeles ne sont là que pour déclencher l'engrenage qui emportera dans son flot, des hommes ou des femmes dont la seule responsabilité était juste d'être là, au bon ou au mauvais moment. La journaliste s'enfonce malgré les dangers, mais ne voit qu'une tache à accomplir. L'orgueil de Guerin achève de nuancer le personnage, même si c'est sa bravoure qui apparaît plus évidente. Interprète parfaite, Cate Blanchett habite Veronica de toute sa ferveur et porte le film comme peu d'autres actrices auraient été capable de le faire.
UNE HISTOIRE VRAIE
Tamponnant son récit de l'accroche "inspiré d'une histoire vraie", Schumacher n'avait pas une marge de manœuvre extrêmement large. Mais peut-être n'en ressentait-il pas le désir non plus: Veronica Guerin tire énormément de sa sécheresse et de sa nervosité (98 minutes sans un gramme de gras) et d'une relative sobriété visuelle, qui tire parfois le film vers les chemins d'une humilité réaliste proche du reportage sur le vif. En bon raconteur d'histoire, Schumacher orchestre un récit dense dont l'intensité va crescendo, jusqu'au final qui risque de diviser. Le film, si sobre auparavant, ouvre dans son dernier acte les vannes du grandiloquent, comme si la nature rabrouée du réalisateur finissait par exploser finalement. Sommet émotionnel ou dérapage lacrymal, les clans se formeront autour d'un final où Schumacher laisse davantage parler son implication dans ses personnages et leurs convictions, plutôt qu'un goût pour l'émotion facile. Les mots s'effacent derrière les chants désolés, noyés dans l'amertume. Son film, honnête et passionné, est à l'image de son héroïne éponyme.