Festival de la Roche-sur-Yon: La Vendedora de fosforos

Festival de la Roche-sur-Yon: La Vendedora de fosforos
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Vendedora de fosforos (La)
Argentine, 2017
De Alejo Moguillansky
Durée : 1h11
Note FilmDeCulte : ****--
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Buenos Aires, 2014. L’intriguante préparation de l’opéra La Petite Fille aux allumettes interprété par le compositeur allemand Helmut Lachenmann, depuis le point de vue de quatre personnages, dont Lachenmann lui-même.

EN AVANT LES HISTOIRES

Superposant de façon improbable et inattendue de nombreux niveaux de lecture, ce premier film venu d’Argentine est à peu près aussi imprévisible que l’histoire de La Petite fille aux allumettes est connue. La Vendedora de fosforos, c’est d’abord le nom d’un opéra contemporain adapté du célèbre conte d’Andersen. Le film documente à la volée comment l’Opéra de la ville de Buenos Aires travaille à la création de la mise en scène de cette œuvre, en s’attachant à différents postes, des musiciens à la régie, en passant par le compositeur Helmut Lachenmann. A la fois documentaire de captation et comédie de coulisses, le film saisit à la fois l’enthousiasme et la difficulté de créer une œuvre collective. Il faut dire que l’opéra en question est lui-même improbable. Une œuvre « sans personnage » et donc sans performeurs, avec une musique plus proche de Stockhausen que Verdi. L’entreprise est déjà tellement singulière que le film pourrait se contenter d’en témoigner à distance. Or ce n’est pas tout.

En parallèle de cette agitation, le film s’attache au régisseur et à sa vie quotidienne en extérieur, notamment sa séparation d’avec sa femme. La Vendedora de fosforos se transforme alors en fiction, créant un étonnant parallèle entre la fillette du conte et leur propre fille qui se retrouve ballottée à mesure des jours de garde et dont personne n’a le temps de s’occuper. Mais là encore, ce n’est pas tout. Si cette partie du film se déroule effectivement en dehors de l’opéra, la musique y joue un rôle primordial. Tantôt légère ou dramatique, moderne ou classique, elle participe même autant a l’avancée du film que le récit. Pas juste en tant que BO d’accompagnement mais en étant au centre de l’attention (dans certaines scènes, il n’y a même pas d’action, juste un piano qui intervient comme un chœur antique). La musique raconte le film, comme dans un opéra. la boucle est bouclée? Non, ce n’est toujours pas tout.

Un quatrième personnage débarque les scènes de fiction : une vieille dame qui sert de nounou à la fillette et de prof de piano à sa mère. Sous des apparences paisibles, elle cache un passé proche des milieux révolutionnaire d’extrême gauche allemands. Milieu qui, des le début du film, sert précisément d’inspiration au compositeur de l’opéra La Vendedora de fosforos. Or cette dame n’est pas une actrice, elle est créditée sous son propre nom au générique. La fantôme des idéaux antibourgeois traverse le conte d’Andersen et le film entier, et la fillette centrale devient elle-même une sorte de spectre hantant l’opéra lors d’une vertigineuse séquence de disparition. Non content de passer du documentaire à l’opera (et donc du réel a la fiction) et vice versa, La Vendedora de fosforos alterne également le sérieux et le ludisme, l’intime et le public, l’Histoire et les histoires.

par Gregory Coutaut

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