Vaurien

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Vaurien
France, 2021
De Peter Dourountzis
Scénario : Peter Dourountzis
Avec : Pierre Deladonchamps
Photo : Jean-Marc Fabre
Durée : 1h36
Sortie : 09/06/2021
Note FilmDeCulte : *****-
  • Vaurien
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Djé débarque en ville sans un sou, avec pour seule arme son charme. Il saisit chaque opportunité pour travailler, aimer, dormir. Et tuer.

HUMAN AFTER ALL

Après avoir déjà abordé ce sujet et ce personnage dans un premier court métrage, Errance, en 2014, Peter Dourountzis transforme l’essaie avec Vaurien, une excellente chronique de gens qui vivent à la marge et véritable expérience implacable d'humanité, questionnant notre rapport au protagoniste, entre empathie et condamnation, avec une savante gestion du point de vue dans la mise en scène.

Même si l'on ne sait pas que l'auteur s’est inspiré de tueurs en série des années 90 tels que Guy Georges, la couleur est annoncée dès la première scène, quand ce personnage, baptisé Djé, passe de "juste relou" à potentiellement violent. Avant que le film nous le fait presque oublier. Parce que l’individu a quelque chose de "charmant", parce que Pierre Deladonchamps, comme Paul Hamy dans le court métrage, a cette douceur dans la voix et dans la performance, parce que le personnage arrive à être drôle, à avoir le dessus sur les jeunes un peu beauf de la table d'à côté... Tout le long, on se retrouve donc partagé entre "pourquoi cette femme le suit ?" et "est-ce qu'il va l'agresser?". Pour autant, le film ne joue pas d’un suspense malsain. Une certaine logique interne apparaît même si les attaques arrivent aussi brusquement que les impulsions de Djé semblent l'assaillir.

Le tour de force de Dourountzis c'est que, si l'on coupait ces quelques très brèves scènes, le film s'apparenterait à la chronique d'un homme qui sort de maison d'arrêt et dont on vient à espérer la réinsertion au gré de ses tentatives (de trouver du boulot, de trouver un abri, de trouver une femme). Fort de son expérience au Samu Social, le cinéaste apporte une justesse inattendue dans ce portrait. Il n'y a pas plus de bienveillance qu'il n'y a de condamnation. C'est au spectateur de gérer ses émotions. On ne saurait à proprement parler d'empathie en ce qui concerne notre rapport au protagoniste mais on en viendrait presque à encourager sa romance naissante. Parce qu'entre chaque acte "inhumain", qui n'est pas montré, il y a un humain. Qu'on le veuille ou non. C’est là que réside la puissance du film, le portrait est entier.

Ce qui s’avère tout aussi impressionnant, c’est la question du point de vue, savamment gérée. Dans la première scène susmentionnée donc, Djé paraît juste lourd puis il a cet accès de violence très soudain, quand il agrippe le bras de la jeune femme, qui met fin au champ-contre-champ, au dialogue. Il s’est incrusté dans un point de vue (la caméra filmait déjà la passagère du point de vue qui va devenir celui de Djé une fois qu'il s'installera face à elle) et ce dispositif revient à chaque scène où la violence pointe le bout de son nez : la caméra ne le suit pas lui, c'est lui qui pénètre le cadre qui suivait un personnage féminin. Comme si la caméra se refusait d'être avec lui, pour ne pas être avec lui. Dans un monde où il est devenu presque maladif de prendre des pincettes, Vaurien est un film audacieux, bien plus intelligent dans son positionnement que certains esprits étriqués ne pourraient le croire.

par Robert Hospyan

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