Une jeunesse allemande
France, 2015
De Jean-Gabriel Périot
Durée : 1h33
Sortie : 14/10/2015
La Fraction Armée Rouge (RAF), organisation terroriste d’extrême gauche, également surnommée « la bande à Baader » ou « groupe Baader-Meinhof », opère en Allemagne dans les années 70. Ses membres, qui croient en la force de l’image, expriment pourtant d’abord leur militantisme dans des actions artistiques, médiatiques et cinématographiques. Mais devant l’échec de leur portée, ils se radicalisent dans une lutte armée, jusqu’à commettre des attentats meurtriers qui contribueront au climat de violence sociale et politique durant « les années de plomb ».
GÉNÉRATION DÉSENCHANTÉE
L'audacieux tour de passe-passe de ce premier long-métrage documentaire du français Jean-Gabriel Périot est peut-être d'arriver à soulever des réflexions aussi multiples que contemporaines, tout en se basant uniquement sur des images d'archives. Des images brutes, parfois même seulement des enregistrements sonores diffusés sur fond noir, sans jamais un commentaire ou voix-off de la part du réalisateur. Un pari formel radical et gonflé, parfois un peu gonflant d'ailleurs, à force d'aridité, mais un parti pris qui fait sens de par le sujet même du film. Qu'elles soient issues de journaux télévisés, de débats ou de films expérimentaux, ces images semblent provenir d'un autre monde, lointain et révolu, notamment à cause de cette dialectique révolutionnaire dont les termes et la vision semblent incroyablement anachroniques aujourd'hui. Et pourtant ces images sont également incroyablement modernes, et pas uniquement parce que la menace terroriste n'a pas disparue.
La Bande à Baader ne fut pas le premier groupe révolutionnaire à comprendre les bénéfices d'une représentation médiatique ou la nécessité de se mettre en scène, mais rares sont les mouvements dont on peut intégralement retracer la naissance, l'évolution et la fin à travers des images... signées par le groupe lui-même. Les membres de la bande étaient des jeunes éduqués, issues de familles bourgeoises. En rébellion féroce avec la génération de leur parents qui avaient permis la montée du nazisme, ils avaient surtout les moyens intellectuels, artistiques et parfois financiers de passer de la pensée à l'action. Des discours étudiants, ces révolutionnaires sont passés aux discours télévisés, puis à l'expression artistique (des films militants), puis à l'action terroriste. On pourrait croire une telle gradation vers la folie invisible à l’œil nu, mais c'est précisément ce que parvient à montrer Une jeunesse allemande: la révolution vue de l'intérieure. Ce n'est pas rien.