Une femme douce

Une femme douce
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Une femme douce
A Gentle Creature
Ukraine, 2017
De Sergei Loznitsa
Durée : 2h23
Sortie : 16/08/2017
Note FilmDeCulte : *****-
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Une femme reçoit le colis qu’elle a envoyé quelques temps plus tôt à son mari incarcéré pour un crime qu’il n’a pas commis. Inquiète et profondément désemparée elle décide de lui rendre visite. Ainsi commence l’histoire d’un voyage, l'histoire d’une bataille absurde contre une forteresse impénétrable...

TE BILE PAS MA LUCIOLE

D'abord connu comme documentariste, l'Ukrainien Sergei Loznitsa signait son premier long métrage de fiction en 2010 avec le ténébreux My Joy. Le film proposait un voyage au bout de l'enfer halluciné et hanté. Une femme douce, sa troisième fiction après le très célébré mais très empesé Dans la brume, pourrait être l'envers de My Joy. C'est également le récit d'un voyage, mais cette fois le personnage principal est une femme. Et lorsque celle-ci rentre chez elle, au début du film, il n'est (pas encore) question d'enfer. Le décor semble idyllique, une sorte de paradis bucolique échappé d'une peinture de Kouznetsov. Mais c'est bel et bien en enfer que se dirige la femme douce du titre dans cette très (très) libre adaptation de La Douce de Dostoievski.

A la recherche de son mari emprisonné, l'héroïne se heurte à la fois à une faune de personnages improbables et à une bureaucratie absurde jusqu'à la folie. Face à sa douceur, face à elle qui s'apprête délicatement lors des premiers instants du long métrage, tout le monde semble laid, monstrueux, dégénéré. Des animaux qui beuglent, tapent ou se pissent dessus. "Comment ça va ?", demande t-on à l'héroïne. Qui répond par ce qui constitue probablement la réplique la plus drôle de l'année dans un tel film : "Moyen". Loznitsa piétine la belle peinture de la Russie éternelle qu'une Mère Russie traverse ici comme un fantôme, un royaume en lambeaux dont même l'asile a brûlé.

Et alors qu'on craint peu à peu que le cinéaste joue la montre et empile les malheurs, Une femme douce décroche : l'héroïne traverse les bois comme elle passerait au travers d'un miroir - et nous ne pouvons pas dévoiler ce qu'elle y expérimentera. Mais le film devient complètement fou et au cauchemar lugubre de My Joy répond un rêve tout aussi halluciné. Un rêve certes, une sorte de conte, mais qui là encore se font l'allégorie grimaçante d'un monde et d'une société insensés. C'est par la clownerie que Loznitsa croque la noirceur, et la fantaisie qu'il peint le réel. Le résultat est impressionnant et unique.

par Nicolas Bardot

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