Berlinale: Under Electric Clouds
Pod electricheskimi oblakami
Russie, Fédération de, 2015
De Alexei German Jr
Durée : 2h18
Under Electric Clouds raconte différentes histoires et destinées dans la Russie d'aujourd'hui.
SOVIET KITSCH
Fils de feu-Alexei Guerman, Alexei Guerman Jr reprend le flambeau et figure en compétition de la Berlinale avec Under Electric Clouds. Ce film à sketchs ambitieux évoque divers tristes destins dans la lugubre Russie d’aujourd’hui. En toile de fond (ou à vrai dire, plutôt au premier plan) : la crise mondiale et ses effets. Le premier sketch est peut-être le plus surprenant, en tout cas le meilleur. Il se déroule en 2017, 100 ans après la Révolution Russe. A l’horizon, un building à l’architecture ambitieuse mais dont la construction a été abandonnée. L’horreur de la société de surconsommation est partout, jusqu’au ciel (dans un des plans les plus saisissants du film). Pourtant, malgré la maîtrise formelle, une pointe de kitsch s’invite déjà dans la pesanteur d’auteur de ce récit d’un Kirghiz vivant aux marges de la société. Il rencontre un homme qui se lamente sur la crise, tandis qu’un autre joue du saxophone mélancolique dans la nuit russe. Ce ne sera pas la seule lourdeur d’un film amoureux du discours-Stabilo.
« Le plafond fuit ». C’est ce que répète plusieurs fois, laconique et désabusée, l’héroïne du second film, comme dans une parodie de mauvais film d’auteur. Elle est une survivante d’une famille bourgeoise endeuillée qui croit descendre de Dieu, se permettant sans problème racisme et mépris de classe. Au cas où on n’aurait pas saisi l’ambiance déliquescente, Guerman accumule les symboles : statues en ruine de Lénine, discours de Gorbatchev interrompu à la radio par La Lambada, propos vieux con digne de Denys Arcand sur la jeunesse qui préfère faire l’elfe dans des jeux de rôles plutôt que lire Soljenitsyne… Les segments pourraient se compléter ou mettre en perspective, ils sont de plus en plus redondants après un début intriguant. Le regard est noir et sans espoir, au chevet d’un monde à l’agonie tandis que l’avenir est unilatéralement vu comme asiatique. Mais, sans demander des blagues rances de Jean Roucas, Under Electric Clouds plie sous son propre poids de sérieux papal. « Qu’est-ce qu’un bidet ? », demande une passante. « Je ne sais pas. Je ne sais plus rien » répond, d’un ton forcément über-dramatique, l’architecte (notez le rôle symbolique). Un inconnu interpelle la jeune bourgeoise endeuillée : « On dit que le printemps sera froid. As-tu froid ? ». « Non », répond-elle, et l’homme s’en va. Guerman, qui ne s’est pas remis de Fellini, filme des groupes de personnages en plan séquence, avec des acteurs qui, les uns après les autres, viennent dire un mot à la caméra, dans un ballet aussi endimanché qu’artificiel. Le film se rêve grand-œuvre avec sa forme qui en impose et son regard contemporain et tragique sur le monde, il devient surtout une pénible œuvre de diva venue réclamer sa breloque de festival.
L’Oursomètre : Under Electric Clouds réclame à peu près autant son Ours d’or que Winter Sleep réclamait sa Palme l’an dernier à Cannes. Mais le jury n’est pas le même. Darren Aronofsky et ses camarades diront-ils oui au film prétentieux et indigeste d’Alexei Guerman ? On espère que non.