Un rêve tchèque
Cesky Sen
République tchèque, 2004
De Vit Klusák
Scénario : Vit Klusák
Avec : Vit Klusák
Durée : 1h27
Sortie : 09/11/2005
Vit Klusák et Filip Remundo sont deux étudiants en cinéma qui, à l’aide d’une bourse du Ministère de la Culture, financent une campagne publicitaire pour l’ouverture d’un hypermarché qui n’existe pas. Le film suit les deux protagonistes tout aux long des préparatifs, de la création du logo à l’inauguration, avec les réactions provoquées, que ce soit au niveau des personnes présentes ou encore de la presse et des politiques.
LE REVE S’APPELAIT HYPERMARCHE
Avant de s’intéresser au film, il est utile de préciser la place que jouent les hypermarchés dans la société tchèque. En effet, c’est un endroit de détente, où l’on peut flâner dans les rayons, un endroit où l’on se déplace en famille. Pour preuve supplémentaire de ce lien particulier qui unit les tchèques à leurs hypermarchés, au cours du documentaire un sondage a été organisé pour trouver un nom à cet hypermaché, "amour" a été cité à plusieurs reprises, ou encore "harmonie". Tout a commencé entre 1995 et 2000, quand les investisseurs étrangers ont construit 126 hypermarchés en Tchéquie; ce qui, en Hollande, pays de la même taille, a pris 20 ans. C’est devenu un tel phénomène de société que le néologisme "hypermarchétomanie" a été rajouté dans le dictionnaire pour traduire une addiction à faire ses courses dans un hypermarché, le culte de celui-ci. L’ouverture d’un nouveau supermarché, qui en plus propose des prix défiants toute concurrence, ne pouvait donc passer inaperçue. Et ce, d’autant plus que les deux réalisateurs n’ont rien laissé aux hasard. Ainsi, l’opération commence par leur propre relookage en vrais managers. Il y a ensuite la création du logo, celle des produits Rêve Tchèque, avant de réaliser le dépliant vantant leurs bas prix, la création de publicité pour la télé, les passages à la radio, les affiches 4x3 pour la rue et les arrêts de bus, les tests sur les échantillons cibles, et même une chanson. Une formidable machine à fabriquer du rêve s’est mise en branle, soulevant parfois des scrupules de la part des professionnels du marketing, qui ne veulent pas mentir et se sentent confus de participer à la farce mais, en bons professionnels, le font quand même car, après tout, c’est leur métier. Alors scrupules véritables ou provoqués par la présence de la caméra?
LES PLAISANTERIES LES PLUS COURTES…
Alors qu’arrive les jour J, les doutes se multiplient et nos deux protagonistes n’affichent pas une si belle assurance. Quelques milliers de gens sont présents. Comment vont-ils réagir en découvrant que Rêve Tchèque n’est rien d’autre qu’une immense façade de 100mx10m? Il y aura de l’incrédulité, de la colère, des injures, des jets de pierre, mais aussi et surtout de la bonne humeur. Certaines personnes remerciant même de cette opportunité d’être sortis de la maison pour se retrouver dans un pré, chose qu’ils n’avaient pas faite depuis trop longtemps. Et d’autres de rétorquer que les politiciens escroquent des millions de gens depuis des années, ce qui, en comparaison, n’est que peu de chose. La politique qui reviendra dans de nombreuses bouches, en particulier l’adhérence à l’Union Européenne (le film fut tourné en 2003 avant l’accession de la Tchéquie); comment croire les discours des hommes politiques alors que l’argent de l’Etat est investi à duper les bonnes gens? L’événement fait la une des journaux, le rêve tchèque est terminé. Même le parlement lui fera une place dans son ordre du jour. Une farce de plus dans l’histoire du peuple tchèque qui a, paraît-il, l’habitude d’être berné. Celle-ci nous fait découvrir l’envers du décor. Le travail des publicitaires qui fouillent dans la tête des gens pour mieux y faire pénétrer leurs slogans. Ou comment dénoncer le système par l’existence même de celui-ci et ce de manière ludique car ce Rêve tchèque est un documentaire truffé d’humour, avec deux protagonistes qui ne se prennent pas au sérieux. Il contient beaucoup d’humanité également car, contrairement à ce qu’ont cru des centaines de personnes ce jour de printemps 2003, le but des deux cinéastes n’était pas de se moquer d’eux mais bien de leur ouvrir les yeux sur les danger de la globalisation et du consumérisme de masse. Un documentaire comme vous n’en avez encore jamais vu.