Un amour de jeunesse

Un amour de jeunesse
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Un amour de jeunesse
France, 2010
De Mia Hansen-Løve
Scénario : Mia Hansen-Løve
Avec : Lola Creton
Photo : Stéphane Fontaine
Sortie : 06/07/2011
Note FilmDeCulte : *****-
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Camille a 15 ans, Sullivan 19. Ils s’aiment d’un amour passionnel, mais à la fin de l’été, Sullivan s'en va. Quelques mois plus tard, il cesse d'écrire à Camille. Au printemps, elle fait une tentative de suicide. Quatre ans plus tard, Camille se consacre à ses études d'architecture. Elle fait la connaissance d’un architecte reconnu, Lorenz, dont elle tombe amoureuse. Ils forment un couple solide. C’est à ce moment qu’elle recroise le chemin de Sullivan…

ON N'EST PAS SÉRIEUX QUAND ON A 17 ANS

Il y a dans Un amour de jeunesse une scène à priori plutôt anodine, où les deux personnages principaux sortent d’un cinéma et discutent du film qu’ils viennent de voir. « C’était vraiment trop français, c’était bavard et pédant » commente le garçon. Amusante petite pique, dont la présence ici est d’autant plus ironique que, vu de loin, Un amour de jeunesse a lui aussi l’air très français, énormément même. Personnages d’intellectuels parisiens, discutant de leurs tergiversations amoureuses entre deux références artistiques et culturelles pointues, une jeune actrice qu’on voit complètement nue au bout de 10 secondes de manière un peu gratuite… Or, pour revenir à la scène mentionnée, la jeune fille répond immédiatement « pas du tout, c’était très sentimental, c’est toi qui n’a pas su le voir ». Effectivement, derrière ces trompeuses apparences, ce troisième long-métrage de Mia Hansen-Love (après les très remarqués Tout est pardonné et Le Père de mes enfants) n’a aucun mal à s’élever bien au-dessus de la caricature qu’il serait top facile d’en faire, de viser plus haut que les lieux communs d’une histoire vue et revue.

Car Mia Hansen-Love possède un talent scénaristique rare, qui lui permet de rendre très surprenante une histoire potentiellement banale. Chaque scène de séparation, de retrouvaille entre ces deux amoureux arrive comme une improbable surprise, un mini-coup de théâtre. Ceci grâce à une utilisation répétée de légères ellipses ; une manière très élégante d’éviter en douceur la mécanique attendue des scènes dites « obligées » (ruptures/retrouvailles etc…) et de coller à l’ambigüité de chaque personnage, dont chaque décision, pour aussi contradictoire qu’elle soit, est toujours sincère. Elle n’a pas peur par exemple d’interrompre entièrement le cours de son récit pour faire le tour d’Europe des plus beaux musées (Louisiana, Berlin, la fondation Bauhaus de Dessau…), lors d’une impressionnante séquence qui se déroule comme hors du temps. L’autre tour de force du scénario c’est justement d’arriver à utiliser dans son récit des éléments très intellectuels (des personnages très cultivés, des réflexions poussées sur l’art et l’architecture, et même une discussion philosophique sur la lueur !), et d’en faire au final quelque chose de très émouvant, une vraie histoire d’amour. Tout simplement.

Au delà des nombreuses qualités scénaristiques et techniques (la photo est souvent magnifique), il faut également reconnaitre le talent de la jeune Lola Creton, qui crève l’écran aussi bien en jeune lycéenne paumée qu’en jeune femme têtue et séduisante. Son impressionnante facilité à changer d’âge toute en restant crédible en fait une vraie révélation. Face à elle, uniquement des acteurs à l’accent étranger, notamment Sebastian Urzendowsky, repéré dans PingPong de Matthias Luthardt. Sa présence au casting vient placer le film dans une certaine filiation avec la nouvelle génération de cinéastes allemands. Une comparaison pas si fortuite car Mia Hansen Love confesse avoir entre autres pensé à Everyone Else de Maren Ade, ou l’architecture était déjà au cœur du récit. Au final, un unique reproche à faire: c’est trop long. Mais quoi qu’il en soit, les rumeurs nées (inévitablement) du fait qu’il ait été refusé à Cannes sont fausses. Un amour de jeunesse est un excellent film.

par Gregory Coutaut

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