Trois enterrements

Trois enterrements
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Trois enterrements
The Three burials of Melquiades Estrada
États-Unis, 2005
De Tommy Lee Jones
Scénario : Guillermo Arriaga
Avec : Julio Cedillo, January Jones, Tommy Lee Jones, Melissa Leo, Barry Pepper, Dwight Yoakam
Photo : Chris Menges
Musique : Marco Beltrami
Durée : 2h01
Sortie : 23/11/2005
Note FilmDeCulte : *****-
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Le meilleur ami de Pete Perkins, le mexicain Melquiades Estrada, a été assassiné. Le contremaître texan se lance sur les traces du meurtrier afin de lui faire déterrer le corps de son ami et de le ramener dans son pays natal.

S'il ne comporte pas d'éléments de suspense à proprement parler, le film de Tommy Lee Jones, de par sa structure non linéaire, propose quelques éléments de surprise que nous abordons au fil de ce texte. Ce dernier est donc réservé de préférence aux personnes qui ont déjà vu le film.

HOUSTON NOUS AVONS UN PROBLEME

Pour son premier film en tant que réalisateur, Tommy Lee Jones a choisi de prendre pour décors sa région natale, son désert, ses montagnes, sa frontière, et d’en traiter toutes les thématiques qui en découlent. Entre le Sud du Texas et le Nord du Mexique, le Rio Grande trace une mince ligne, quasi transparente, mais pourtant tellement présente. Une frontière politique, artificielle, qui a créé autour de ses eaux bouillonneuses un nouveau pays, une culture à part entière. En demandant à son ami mexicain Guillermo Arriaga d’écrire le scénario, en regroupant dans son casting les deux nationalités, en laissant une bonne partie des dialogues en espagnol, Tommy Lee Jones souligne d’emblée cette volonté de rendre compte du carrefour culturel qu’est cette région. Au cœur du film, un voyage qui transcende les barrières, qui renoue avec la véritable identité du lieu : une volonté constante de l’effacement des différences trop souvent encrées dans les esprits. En s’inspirant des drames qui ont entaché l’histoire de cette région, en se focalisant sur l’absurdité du comportement humain, Jones et Arriaga signent un film sur l’amitié et la rédemption qui joue de notes comiques et ironiques pour faire mieux ressortir les sentiments. Sur fond de western moderne, le réalisateur développe la trame non linéaire et tripartite de son scénariste pour mélanger les genres filmiques et les points de vue des actants.

ON IRA TOUS AU PARADIS

C’est au milieu du paysage brut, sauvage et majestueux de cette région frontalière que Tommy Lee Jones inscrit son film. Un paysage typique, varié qui s’étend des deux côtés du Rio Grande créant une réelle unité de lieu. Le réalisateur brouille les pistes dans cette volonté constante de représenter la fusion entre Texas et Mexique. Deux pays pour une même topographie qui influence de manière identique les comportements des personnages. Entre massifs montagneux, plaines désertiques et canyons escarpés, les héros de Trois enterrements cheminent vers leur rédemption, se laissant aller au grés des plis du décors et du scénario. Au bout de la route, le Paradis illusoire de Melquiades, Jimenez, où le ciel caresse les montagnes, où l’eau fraîche coule à souhait. Au point de départ cette ville perdue à l’ouest du Texas, peuplée d’êtres solitaires, aliénés, aussi vides que le désert qui ronge leur environnement. Une ville sordide où les mobile-homes côtoient les dîners enfumés, où la vie se rythme au fil des incursions casse-cou mexicaines sous le nez des patrouilles frontalières. C’est dans cet univers de sécheresse que Tommy Lee Jones et Guillermo Arriaga ont installé leurs personnages. Des hommes et femmes qui s’observent constamment, portant chacun des points de vue différents sur cette bavure caractéristique de la région. Aucun méchant dans cette intrigue, simplement des êtres profondément humains, aux comportements souvent absurdes.

J’ETAIS SUR LA ROUTE…

Dans ce tableau trois hommes représentatifs de la population de la région. Pete le contremaître. Texan pure souche, bilingue dans un milieu bi-culturel qui a forgé son caractère, il possède à la fois l’éthique et les valeurs ancestrales des cow-boys d’antant. S’il trouve régulièrement refuge dans les bras de la serveuse Rachel, également maîtresse du Shérif Beaumont, son seul ami sur cette terre est Melquiades le clandestin. Mexicain ayant passé la frontière pour assurer sa survie, il est arrivé au Texas la tête pleine de rêves, s’imaginant pouvoir vivre de la terre et pourquoi pas, une fois de retour au pays, trouver un lieu calme et paisible pour y installer sa petite famille. Sentimental, honnête, il est le seul personnage réfléchi de cette aventure, mais également sa seule victime. Son meurtrier, Mike le garde frontalier. Eternel adolescent qui débute dans la vie, immature, peu instruit, il est mal dans sa peau et ne possède pas les outils nécessaires pour surmonter ses handicaps. Primitif et vaniteux, il ne sait pas s’identifier aux autres, ne les considérant que comme des objets. Un problème relationnel qui se retrouve jusque dans son attitude avec sa femme Lou-Ann et qui sera l’élément déclencheur de son voyage forcé vers Jimenez. Car c’est dans les rapports entre les différents personnages dépeints ici, dans l’ironie qui s’en dégage, que ce récit trouve toute sa force.

En réponse à la balle qu’il décoche à un coyote rodant près de son troupeau, Melquiades reçoit la rafle du fusil de Mike, ceinturon défait, ayant tout juste eu le temps de poser son Playboy ouvert en page centrale. Un échange de coups de feu maladroit qui raisonne quelques plans plus loin dans la relation timide que le mexicain entretenait avec Lou-Ann, renforçant de ce fait la gratuité du geste de Mike. Sans même le savoir, il vient de tuer l’amant de sa femme. Une pelleté de terre, Melquiades est enterré une première fois, tel un objet trop encombrant dont on voudrait rapidement se débarrasser. Le deuxième enterrement du clandestin par Beaumont aura la même fonction. Camouflant le tout sous des airs de défiance à Pete, son adversaire conjugal, le Shérif fait taire toute enquête gênante autour du cadavre de cet homme qui n’aurait jamais du se trouver là. Si radicale qu’elle soit, la démarche de Pete face à cet incident - kidnapper Mike pour qu’il enterre "proprement" Melquiades dans sa terre natale - sera la seule qu’il pouvait entreprendre, lui le cow-boy justicier. Sous prétexte d’honorer la mémoire de son ami, dépassant le simple "œil pour œil…", c’est principalement une leçon de vie qu’il compte inculquer à Mike au fil de son voyage vers Jimenez. En redonnant du sens à la mort de Melquiades, il fait prendre conscience au jeune garde frontalier de la portée de son geste.

par Julie Anterrieu

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