Triple agent

Triple agent
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Triple agent
France, 2003
De Eric Rohmer
Scénario : Eric Rohmer
Avec : Katerina Didaskalou, Amanda Langlet, Serge Renko, Emmanuel Salinger
Durée : 1h55
Sortie : 17/03/2004
Note FilmDeCulte : *****-

Dans les années 30, quatre cent mille Russes immigrent en France, chassés par le pouvoir stalinien. C’est à l’un de ces hommes, ex-militaire de l’Armée Blanche, que le cinéaste choisi de s’intéresser. Est-il simplement un mari aimant, comme voudrait le croire sa femme? Ou un agent secret à la solde de...?

PAULINE A LA GUERRE

Tout d'abord le bonheur, après une petite errance anti-révolutionnaire légèrement trop théâtrale (l’artificiel Anglaise et le Duc), de retrouver une nouvelle et véritable héroïne rohmérienne sous la forme d'un clone d'Arielle Dombasle ou de Pascale Ogier, en apparence légère, insouciante et badineuse, mais pourtant concernée par les problèmes politiques de son mari. Étonnamment, ce personnage à l’allure aérienne (constance chez le cinéaste) prend une dimension plus tragique en devenant spectatrice d’un monde qu’elle cherche, comme nous, à comprendre et décrypter. Le bonheur également de retrouver l'interprète de la charmante et touchante Pauline (actrice dans Pauline à la plage et Conte d’été), Amanda Langlet qui, à nouveau, se fond merveilleusement dans cet univers suranné, légèrement trop statique (quoique bien moins figé que celui du précédent film du réalisateur), composé de détails parisiens qui retranscrivent l'époque décrite au travers de magnifiques images d’archive (entre 1936 et 1945, la montée du fascisme en France, le Front Populaire, etc.). Les films de Rohmer ont toujours fonctionné par et pour leurs acteurs, et pour la façon de les inscrire dans un environnement généralement spatial (on repense à la ville nouvelle de L’Amie de mon amie). Pour la première fois après le semi-ratage de son dernier film, Rohmer ose véritablement se confronter à un environnement temporel, celui de l’Histoire et du monde. Un monde que Rohmer retranscrit fidèlement, à la lettre, selon ses propres souvenirs vécus, entendus (important travail sur le langage et la diction de l’époque), et lus.

AGENT TROUBLE

Politique Vs Peinture, Droite Vs Gauche, Fascisme (prononcé "Fassisme") Vs Cubisme, tout est affaire de clan et de combat dans ce film un rien bavard qui a pourtant le mérite de présenter de façon originale (coïncidence avec la sortie du film Agents secrets) l'univers réaliste d'un agent secret. Virevoltant d’un bord à l’autre, Fiodor est sans doute le personnage le plus insaisissable de toute l’œuvre du cinéaste, un être qui échappe à toute convention, à toute écriture, à tout lien, et se rapproche ainsi d’un cinéma hitchcockien fait de retournements de situations multiples. Un personnage adapté de faits réels mais non résolus, réécrit par le cinéaste, remodelé pour s’intégrer dans l’optique et le concept rohmériens. L'on regrettera cependant la longueur du film, comme si en explorant dans une nouvelle série de contes (après les Contes moraux et les Comédies et proverbes) l'Histoire de son pays, Rohmer avait choisi délibérément d'effacer quasiment tout ce qui en faisait le charme et la légèreté. Triple Agent parait aujourd'hui plus pesant que réellement troublant, plus longuet que réellement palpitant, et ce serait bien le véritable défaut d'une œuvre malgré tout souvent passionnante dans son interprétation de l'Histoire et dans la confrontation qu'elle élabore entre les images d'archives en noir et blanc et la fiction en couleurs.

par Anthony Sitruk

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