The Tribe

The Tribe
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Tribe (The)
Plemya
Ukraine, 2014
De Myroslav Slaboshpytskiy
Scénario : Myroslav Slaboshpytskiy
Durée : 2h10
Sortie : 01/10/2014
Note FilmDeCulte : *****-
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Sergey, sourd et muet, entre dans un internat spécialisé et doit subir les rites de la bande qui fait régner son ordre, trafics et prostitution, dans l'école. Il parvient à en gravir les échelons mais tombe amoureux de la jeune Anna, membre de cette tribu, qui vend son corps pour survivre et quitter l'Ukraine. Sergey devra briser les lois de cette hiérarchie sans pitié.

LET’S GET LOUD

On a beaucoup parlé d’audace pendant ce 67e festival de Cannes : celle qui manque à certains réalisateurs, celle en toc que d’autres portent en étendard, et celle caractérisant les idées poético-gonflées des autres (Ferran, Östlund, Mundruczo). Mais le geste le plus casse-cou du festival vient de ce premier long métrage ukrainien : tous les personnages de The Tribe sont malentendants et s’expriment en langue des signes, or le réalisateur prend le parti de ne strictement rien sous-titrer. Pour comprendre l’histoire, nous voilà à notre tour dans la peau des sourds-muets, obligés de donner une attention sans précédent aux visages des acteurs et à leur langage corporel. Le résultat est complètement immersif, dépourvu non pas de dialogues mais de paroles. Coupons cour au suspens : le pari est tellement réussi que le récit, s’il dégage un précieux mystère, se révèle parfaitement simple à suivre. Alors, il est où le truc?

L’explication de cette réussite est à la fois la plus simple et celle qu’on osait le moins espérer : Myroslav Slaboshpytskiy (lire notre entretien) se révèle être un excellent metteur en scène. Tout d’abord parce qu’il n’a pas peur de son concept (de la bravoure plutôt que de la fausse modestie) et qu’il parvient tout de même à le dépasser. Mais aussi parce qu’il fait preuve d’une science de la composition et des plans-séquences qui pourrait faire des jaloux. Ses personnages sont placés au cœur de l’image, qu’ils soient de face ou de côté, faisant parfois penser aux images d’Ulrich Seidl sans tourner pour autant à la géométrie artificielle. Car cette focalisation inédite sur le corps humain, Slaboshpytskiy en fait son parti. Que l’on fasse l’amour où que l’on se casse la gueule, chaque mouvement prend la forme d’une chorégraphie de groupe où, puisque l’on ne peut pas se crier les uns sur les autres, on est bien obligés d’attendre qu’un geste soit terminé pour attirer le regard. Le résultat est un étrange et fascinant ballet, fait de halètement, de coups qui prennent tout leur poids, et de gestes à la fois secs et presque ralentis.

Ce que l’on fait de son corps, c’est aussi le propos de l’histoire de The Tribe. Les protagonistes sont des lycéens presque laissés au dépourvu dans leurs pensionnat, abandonnés dans leur bulle de silence violent par des adultes quasi-inexistants. Pourtant la surdité n’est jamais abordée comme un enjeu réel du scénario. Peu à peu se dévoile l’existence d’un réseau d’influence (il suffit de voir qui les autres « regardent » parler sans bouger pour comprendre qui sont les caïds) et de prostitution. La violence de la vie forcée en communauté devient alors de plus en plus concrète et graphique au fil de l’intégration du protagoniste. L’absence de langage parlé ne leur laisserait d’autre choix qu’une agressivité désespérée? Au contraire, le dénouement amer et émouvant (bien que brutal) vient prouver sous nos yeux que se nouaient de vrais sentiments humains profonds et bouleversants. On pensait l’amour complètement absent de ces horizons fermés, c’est au contraire en son nom que se sont noués ces destins.

par Gregory Coutaut

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