The Town
États-Unis, 2010
De Ben Affleck
Scénario : Ben Affleck, Peter Craig, Aaron Stockard d'après d'après l'ouvrage de Chuck Hogan
Avec : Ben Affleck, Chris Cooper, Rebecca Hall, Jon Hamm, Blake Lively, Pete Postlethwaite, Jeremy Renner
Photo : Robert Elswit
Musique : David Buckley, Harry Gregson-Williams
Durée : 2h03
Sortie : 15/09/2010
Doug MacRay est le leader d’une bande de braqueurs de banque. Lors du dernier casse de la bande, ils prennent en otage la directrice de la banque, Claire Keesey. Bien qu’ils l’aient relâchée indemne, Claire est nerveuse car elle sait que les voleurs connaissent son nom… et savent où elle habite. Mais elle baisse la garde le jour où elle rencontre un homme discret et plutôt charmant du nom de Doug...ne réalisant pas qu’il est celui qui, quelques jours plus tôt, l’avait terrorisée.
AFFLECKTION
Epatant second souffle que cette deuxième partie de carrière de Ben Affleck. Créant la surprise lors de son passage à la réalisation avec Gone Baby Gone, premier long pas exceptionnel mais pour le moins convaincant, Affleck le cinéaste confirme avec ce deuxième opus encore plus réussi. On peut dores et déjà mettre un terme aux mauvaises langues qui attribuaient les qualités de Will Hunting au seul talent de Matt Damon. Il faut dire que par la suite de leurs carrières respectives, mises en parallèle, Damon s'imposait comme un acteur à la filmographie nettement plus auteurisante, alors qu'on avait presque tiré une croix sur Affleck. Et pourtant, à présent, débarassé des blockbusters foireux, des comédies à formules ratées, l'acteur choisit des rôles plus intéressants (Hollywoodland, Jeux de pouvoir, le prochain Terrence Malick!) et fait ses premiers pas derrière la caméra. Et force est de constater qu'Affleck a quelque chose à raconter... Décidément, sa ville de Boston l'inspire, l'habite, de Will Hunting à Gone Baby Gone, et donc maintenant The Town, c'est cette même ville, ses quartiers de prolos, sa criminalité, son accent, qu'il n'a de cesse de revisiter, d'explorer par tous les aspects, comme Martin Scorsese avec New York, Affleck est fasciné par Boston. Alors ne nous méprenons pas, jamais Affleck n'effleure le talent de Scorsese, et nous n'irons pas jusqu'à dire qu'on a là un auteur naissant, mais le décor confère une certaine personnalité à ses films. Affleck n'est pas Michael Mann non plus, donc la comparaison de l'affiche est évidemment bien trop flatteuse, mais elle n'est pas hors sujet vu comme le metteur en scène semble davantage s'intéresser à la ville, et plus précisément au quartier de Charlestown, qu'à l'intrigue policière pour le moins conventionnelle. Après tout, c'est pas pour rien qu'il baptise son film The Town alors que la nouvelle originale porte le titre Prince of Thieves.
A BOSTON CRIME SAGA
Sur deux heures de métrage, le premier tiers est le plus pertinent dans le portrait qu'il dessine de tous ces personnages empêtrés plus ou moins dans les rôles que Charlestown leur a réservé : criminel, victime, bourreau, flic, droguée... A ce titre, Affleck "l'ancien" s'est entouré de la fine fleur de la nouvelle génération. La fragilité de Rebecca Hall y est pour beaucoup dans la véracité des sentiments du personnage d'Affleck. Jeremy Renner est un peu sous-exploité dans le registre classique du pote fou mais reste une star en devenir. Blake Lively continue de faire des choix à mille lieux de son rôle dans la série Gossip Girl et campe ici une simili-pute camée avec un gosse, figure qui n'est pas rappeler celle d'Amy Ryan dans le précédent film du metteur en scène, décidément hanté par ce fantôme de femme déchue. Néanmoins, c'est avant tout Jon Hamm, de la série Mad Men, qui vole la vedette à tout le monde, bouffant toutes les scènes de son charisme. Cet ensemble incarne le film et la justesse archétypale mais jamais grossière des protagonistes y est pour beaucoup dans la réussite de cette première partie. Par la suite, le récit semble se rabattre sur les inévitables points scénaristiques de milieu de film, où les enjeux s'exacerbent, les braquages deviennent plus risqués, les relations deviennent plus tendues, l'étau se resserre de partout, et ce mécanisme un peu trop "obligé" plombe un tantinet le film qui marchait jusqu'alors sur la ligne entre classicisme élégamment traité et conventions attendues, le faisant tomber dans la seconde catégorie. Heureusement, le climax, bien bourrin, et le dénouement, évitant de trop sombrer dans le moralisme inhérent au genre, viennent rattraper le tout. On regrettera juste que la musique, subtilement absente pendant presque tout le film, se sente contrainte de venir souligner le truc un peu grossièrement. Parce que ce n'était pas nécessaire, Affleck gérant très bien la mise en scène. Formellement, rien n'est fou mais tout est très bien ficelé. En allant chercher le chef opérateur et le monteur de There Will Be Blood, Affleck a mis les petits plats dans les grands et signe un film classe royalement monté. Voyez le premier braquage où la violence est créée non pas par l'action mais par le montage qui (très bonne utilisation des images de vidéosurveillance, pardon, de vidéoprotection), ou bien le café que boivent Affleck et Hall et Renner (avec le tatouage qui menace constamment d'être vu). Si Ben Affleck continue sur cette voie, il n'est absolument pas exclu qu'il signe un jour un grand polar.