Festival Kinotayo: Tokyo Tribe
Dans un Tokyo futuriste, une immense guerre des gangs fait rage et divise la ville en quatre clans qui veulent imposer leurs règles. À la tête de deux bandes, deux anciens amis rivalisent et les rancoeurs et sentiments personnels viennent se mêler aux affrontements des hommes dans un chaos toujours grandissant.
LES LUMIÈRES DE LA VILLE
Du pur divertissement: voici la promesse faite par Sono Sion (lire notre entretien) avec Tokyo Tribe qui s'éloigne comme son précédent Why Don't You Play in Hell ? de ses drames sérieux sur Fukushima, Himizu et The Land of Hope. Tokyo Tribe s'ouvre sur un plan de timides petites étincelles, celles que vous pourriez retrouver sur un joli gâteau d'anniversaire. On le sait, le réalisateur, comme sur ses précédents films mais encore plus ici, est plutôt du genre à prendre le gâteau et à vous le balancer en pleine figure. Ce goût pour le débordement s'exprime autant dans une prod Sushi Typhoon qui tache (Cold Fish et ses effusions gores) que dans la tragédie la plus poignante (Himizu et son über-mélo). Même dans une autre œuvre de "divertissement" comme Why Don't You Play in Hell ?, le tournage d'un film devient une question de survie. Ces étincelles annoncent donc la suite : un feu d'artifice à vous exploser les tympans mais ce sont les règles du jeu d'une large partie de la filmographie de Sono Sion - si vous ne supportez pas la chaleur, changez tout de suite de trottoir.
Que faire du pur divertissement au Japon, dans les mains d'un cinéaste aussi particulier qui jouit d'un budget plus conséquent que d'habitude ? Un show gargantuesque, euphorisant et assommant, un joyeux pogo qui n'a peur d'aucun excès. On est certes dans un registre bien différent, mais il est très excitant de voir que ce qu'on entend par divertissement ici n'exclue pas le mauvais goût assumé, le kitsch, le grotesque, le régressif et le ridicule - tout ce qui est fun et qui dépasse - contrairement aux vagues équivalents d'outre-Atlantique où le B parfois le plus inconséquent est écrasé par son sérieux papal et son obsession du badass. Badass, les héros rappeurs de Tokyo Tribe le sont pourtant parfaitement, ces Guerriers de la nuit new look qui s'affrontent dans un Tokyo futuriste. Une guerre des gangs, juste ça. Mais dans un film qui ne ressemble pas à grand chose de connu.
Tokyo Tribe est une comédie musicale hip-hop. Si le film n'aura probablement pas sa transposition à Broadway, il électrise par son abattage: le terre tremble même quand il n'y a pas de tremblement de terre, et les téléphones portables menacent d'exploser à chaque sonnerie de la Symphonie n°5 de Beethoven. Sono Sion privilégie les prises longues, sans surdécoupage comme on l'aurait vu ailleurs, et l'on assiste à une fascinante chorégraphie dans cette rues inondées de lumières multicolores, où l'extravagant usage du lens flare plonge la ville dans un océan miroitant de flashes. Le résultat, porté par les décors de Yuji Hayashida (Dai Nipponjin) et la photo de Daisuke Sôma (auteur de celle, sublime - et en noir et blanc ! - de Miss Zombie) est visuellement superbe. Rien que du divertissement bien sûr. Mais en contrebande, un manifeste punk libéré de tout calibrage et de tout lissage, une façon de faire qui n'est pas celle des autres, et le cinéma devrait être toujours comme ça. Entre autres idées d'une débilité absolument flamboyante (comme l'apparition de la meilleure human beatbox de l'histoire ou un sanibroyeur géant découpeur de cons - merveilleux) et ces affrontement virilo-grotesques désamorcés/ridiculisés en un concours de bites explicite (le même qui sous-tend implicitement toutes les mauvaises badasseries sus-citées), on s'est pris mains, pieds, battes dans la figure et on a beaucoup aimé ça.
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Tokyo Tribe est désormais disponible en dvd.