Töchter
Agnès se rend à Berlin pour identifier le corps d’une jeune femme qui pourrait être celui de sa fille, portée disparue. Elle rencontre la jeune Inès, jeune marginale envahissante.
CELLULE FAMILIALE
Ironie méta-filmique : dans la première scène de Töchter, Agnès débarque dans la ville de Berlin de la même manière que le spectateur atterrit dans un film… très berlinois. Personnages comme absents à eux-mêmes (Agnès n’est plus vraiment elle-même depuis que sa fille est portée disparue), soupçon fantastique des identités fluctuantes (Inès pourrait-elle être en réalité sa fille disparue ?), économie esthétique (le film à l’honnêteté d’être à l’image de la ville : un camaïeu de gris). Le nouveau film de Maria Speth revisite les figures les plus familières du mouvement de l’École de Berlin. Avec toutefois moins de radicalité, mais y ajoutant ses thématiques propres. Ce rapprochement entre deux femmes mystérieuses et solitaires (la blonde et la brune – en plus elles ont presque le même nom !) aurait pu donner lieux à bien des fantasmes identitaires (lâchons le mot : lynchiens). Mais la réalisatrice a d’autres pistes en tête : l’aspect fantastique est rapidement évacué et plutôt que de réinterpréter des clichés, Töchter prend la tangente en s’axant surtout sur la sociologie des personnages.
Agnès est une femme cultivée et aisée d’une cinquantaine d’année, alors qu’Inès a volontairement tout quitté pour aller vivre dans la rue. Et pourtant c’est moins la lutte des classes que la confrontation de schémas familiaux brisés qui fait ici mouche. Agnès trimballe une certaine honte à avoir vu son modèle familial parfait voler en éclat lorsque sa fille est partie sans un mot il y a plusieurs années, mais elle ne se remet jamais en question en tant que mère. Inès se vante de son indépendance face à un système coupable de tout, mais n’est en fait qu’un parasite social qui manipule, ment et vole en toute bonne conscience. Les cellules familiales sont ici comme des cellules de prison. Qu’est ce que ces deux rescapées vont alors pouvoir trouver chez l’autre? Töchter apporte des réponses intéressantes, mais sans se départir d’une certaine lenteur. Inès s’incruste dans la vie et la chambre d’hôtel d’Agnès comme dans un home Invasion, mais la tension de cette situation, sa violence et son ambigüité, ne sont pas toujours percutantes. Maria Speth offre néanmoins des parenthèses surprenantes, telle cette scène presque onirique où une sculpture semble prendre vie sous nos yeux. Un élément de surprise qui manque peut-être parfois au film dans son ensemble.