La Tisseuse
Fang Zhi Gu Niang
Chine, République populaire de, 2010
De Quanan Wang
Scénario : Quanan Wang
Avec : Yu Nan
Durée : 1h38
Sortie : 24/02/2010
Lily, ouvrière dans une usine de tissu, partage son temps entre son travail, son fils et son mari. Suite à un événement bouleversant, elle décide de partir seule...
UNE FAILLITE CHINOISE
Il y a deux films en un dans La Tisseuse, nouveau long métrage de Wang Quan An, réalisateur chinois révélé par son Ours d'or attribué à Berlin il y a trois ans pour Le Mariage de Tuya. Un film, réussi, sur la Chine d'aujourd'hui, et qui s'inscrit parfaitement dans les préoccupations de nombre de ses confrères dits de la sixième génération, tels Jia Zhang-Ke ou Li Yang: la place de l'individu dans un pays où encore hier l'on ne pensait qu'idéologie, les lendemains qui déchantent du monde ouvrier, ou encore les mutations de la terre et de la ville chinoises. La Tisseuse observe cette fascinante schizophrénie, où la chorale entonne toujours les chants soviétiques d'antan, où l'on redécouvre Pékin transfigurée (l'héroïne face à la gigantesque tour de la CCTV construite pour les Jeux Olympiques), où les passants reviennent sur les ruines de leur ancien chez eux, disparu en un clin d'oeil. La Tisseuse installe son nerf de la guerre dans un premier plan séquence où Lily (Yu Nan, parfaite) s'étonne de la baisse de sa paye, la voix couverte par les monumentales machines à tisser. Les mêmes que l'on revoit, plus tard, dans un silence de mort - leur tumulte s'est éteint puisque l'usine n'existe déjà plus.
Dommage que Wang Quan An ne s'en tienne pas à ce récit, car le virage mélo n'est pas vraiment convaincant. Lors d'une discussion avec une collègue, entre deux clopes, Lily se demande ce qui donne un prix à son existence. Se sachant condamnée par la maladie, elle tente de lui redonner un nouvel envol. Les retrouvailles ratées avec un amour d'antan pourraient être d'une saisissante amertume mais le film tourne en rond et raconte une autre histoire, plus faible, atone. Car c'est bien la condition sociale qui est ici responsable de l'échec d'une vie, pas la maladie parachutée comme un artifice scénaristique. Celle qui a acculé l'héroïne à se marier à un homme qu'elle n'aime pas, fait d'elle un pion insignifiant dans une usine en fin de parcours, femme oubliée, parmi d'autres, du grand boom chinois. En se trompant un peu de sujet, le cinéaste se tire une balle dans le pied. Reste une belle scène, néanmoins, simple et poignante, où le fier feu d'artifice du nouvel an n'est plus vu que des yeux d'un fantôme.