Tiresia

Tiresia
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Tiresia
, 2003
De Bertrand Bonello
Avec : Lou Castel, Célia Catalifo, Clara Choveaux, Laurent Lucas, Thiago Telès
Durée : 1h50
Sortie : 15/10/2003
Note FilmDeCulte : *****-

Epris de perfection, Terranova erre la nuit à la recherche de l’être parfait. Un soir, au bois de Boulogne, il tombe sous le charme d’une transsexuelle brésilienne, Tiresia. Il la séquestre.

LE TEMPS DETRUIT TOUT

Mal accueilli lors du festival de Cannes 2003 où il était, pour les plumes assassines, le film français sélectionné de trop, Tiresia est pourtant un long métrage fascinant, le plus réussi à ce jour du talentueux Bertrand Bonello. Cet auteur ambitieux ose à chaque film confronter son art à de lourds sujets rhétoriques. Dans Tiresia, adaptation contemporaine d’un mythe grec à la symbolique freudienne, il multiplie les partis pris risqués: une structure bipartite avec un audacieux changement d’acteur – Thiago Telès remplace Clara Choveaux à mi-parcours –, un double rôle pour Laurent Lucas et bien sûr une épure esthétique qui est devenue la marque de fabrique du disciple de Robert Bresson. Tout ne fonctionne pas mais l’essentiel est ailleurs. La danse de Jérémie Rénier sur Marcia Baïla dans Le Pornographe avait durablement marqué les esprits, bien plus que le film lui-même. Bertrand Bonello récidive ici. Tiresia recèle de scènes magiques, purs moments d’extase cinématographique. Zoo sensuel capté par un magnifique plan-séquence, le bois de Boulogne est une évidente référence au cinéma de Pedro Almodovar (Tout sur ma mère). Rose solitaire dans un lieu de perdition sexuelle, Tiresia chante, susurre Teresinha de Jesus. Terranova succombe, nous aussi, devant tant de grâce.

TRISTES AUGURES

Au commencement de l’histoire (et de la vie?) était le bouillonnement des volcans, la septième symphonie de Beethoven et le désir de Terranova de lutter contre les effets du temps. Ce combat était perdu d’avance. Les plaintes de la fleur séquestrée n’ont jamais cessé et peu à peu, Tiresia est redevenue un homme à part entière. Les yeux crevés par son amant esthète, le transsexuel allongé en position fœtale, est recueilli tel un enfant abandonné des dieux par la douce Anne. Miroir déformant, la seconde partie répond tel un écho apaisé à la première. L’hystérie explicative et la noirceur cèdent la place à la luminosité et au mystère. Le ténébreux Terranova se change en prêtre saisi par le doute, les roses fanées que l’on jetait sont dorénavant entretenues avec soin. Créature de la nuit, sans sexe ni nationalité, Tiresia ne trouve pourtant ni le repos de l’âme, ni sa place dans le monde des vivants. Son miraculeux don de prédiction est vécu comme une malédiction, un signe ostentatoire supplémentaire de son insolite difformité et de sa profonde différence. Séduisant par son atmosphère fantastique, Tiresia est en constant équilibre entre le pathétique et le sublime. Le cinéma de Bertrand Bonello subjugue et irrite, intrigue et exaspère. Il n’en demeure pas moins précieux.

par Yannick Vély

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Le mythe

Il existe plusieurs versions du mythe de Tirésias. Devin thébain, Tirésias était le fils de la nymphe Chariclô, compagne de la déesse Athéna. Par mégarde, il l'aperçut alors que celle-ci se baignait. Un homme ne pouvant regarder un dieu, Athéna porta sa main aux yeux de Tirésias et l’aveugla. Touchée par les plaintes de sa mère, la déesse confia à l’aveugle le don de comprendre le langage des oiseaux prophétiques et de vivre sept générations. A sa mort, le don persista. Ainsi, Circé envoya Ulysse le consulter dans les Enfers pour connaître son destin. Une autre version confère une dimension sexuelle à la légende. Arpentant le mont Cithéron, Tirésias frappa deux serpents entrelacés. Il tua la femelle et devint instantanément une femme. Sept ans s'écoulèrent avant qu’il ne découvrit de nouveau deux reptiles accouplés. Il tua alors le mâle et redevint un homme. Fort de cette double expérience, il arbitra un débat entre Zeus et Héra sur une question fondamentale: qui de l’homme ou de la femme éprouve le plus de plaisir pendant l’acte sexuel? Pour Tiresias, la femme vit un plaisir neuf fois plus intense que l’homme. Héra le rendit aveugle, Zeus lui octroya le don de prédiction.

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