The Revenant

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The Revenant
États-Unis, 2015
De Alejandro Gonzalez Inarritu
Scénario : Alejandro Gonzalez Inarritu, Mark L. Smith
Avec : Leonardo DiCaprio, Domhnall Gleeson, Tom Hardy
Durée : 2h31
Sortie : 24/02/2016
Note FilmDeCulte : *****-
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Dans une Amérique profondément sauvage, le trappeur Hugh Glass est sévèrement blessé et laissé pour mort par un traître de son équipe, John Fitzgerald. Avec sa seule volonté pour unique arme, Glass doit affronter un environnement hostile, un hiver brutal et des tribus guerrières, dans une inexorable lutte pour sa survie, portée par un intense désir de vengeance.

LA FORÊT DES SONGES

Étonnant virage que celui d'Alejandro González Iñárritu qui, après un début de filmographie au rythme régulier d'un film tous les trois ou quatre ans, vient d'enchaîner deux longs métrages coup sur coup et peut-être ses plus ambitieux. Les films choraux de plus en plus grandiloquents du cinéaste aspiraient déjà à la grandeur mais force est de constater que depuis sa rencontre avec l'extraordinaire directeur de la photographie Emmanuel Lubezki, fidèle collaborateur de son compatriote Alfonso Cuaron, Iñárritu semble avoir franchi un nouveau cap dans sa carrière. Bien qu'il revienne au genre de parcours doloriste qui pouvait se faire lourd dans ses précédents essais, abandonnant la comédie et donc la légèreté salutaire de Birdman, le metteur en scène opte tout de même pour une épure scénaristique qui évite la surcharge dramatique. À l'exception de flashbacks oniriques de la femme du protagoniste qui tendent à se faire redondants, The Revenant laisse parler la mise en image. Et quelle mise en image... En fait, c'est un peu comme si Terrence Malick avait réalisé Le Territoire des loups.

Non content d'avoir débauché le chef opérateur des quatre derniers Malick, Iñárritu a également été chercher son chef décorateur, sa costumière et même sa directrice de casting! La démarche n'a rien d'étonnant tant le film s'apparente à un Nouveau monde bourrin, comme un reflet violent du poème de Malick. Ici aussi, la nature est un personnage à part entière mais il n'est nullement question de symbiose. Malick nous invitait à l'empathie. Chez Iñárritu, la nature est comme celle de l'homme : meurtrière. Tourné en lumière naturelle avec la nouvelle Alexa, une caméra numérique 65mm, The Revenant est une merveille de tous les instants. Cependant, si les images sont sublimes, la nature, elle, n'est jamais sublimée. Qu'il s'agisse des reflets glaciaux des cours d'eau, des masses sombres d'arbres ou de cette neige qui recouvre tout, la forêt d'Iñárritu et Lubezki n'a rien d'enchanteresse. Elle sert davantage de limbes aux personnages du film, condamnés dès le début, et au périple du "revenant" du titre.

The Revenant mêle le survival et le revenge movie et c'est en faisant du second le moteur du premier qu'Iñárritu trouve un angle d'attaque différent et tisse une étude de la vengeance sur le fond d'un troisième genre, le western, choisissant comme décor le Dakota de 1823, encore peuplé de tribus indiennes. Trouver de quoi panser ses plaies, de quoi se nourrir, comment échapper aux prédateurs, on connaît ces étapes obligées mais on n'est pas dans Cast Away. Du film de Robert Zemeckis à Gravity, le survival a toujours été empreint de mélancolie mais reste animé par une profonde envie de vivre. Même Le Territoire des loups, avec son propos sur le deuil, est l'histoire d'un homme qui se bat pour sa survie. Hugh Glass ne se bat pas pour sa survie, il survit pour se battre. Dans cette forêt hantée, Glass est un spectre. Un esprit désireux de résoudre son unfinished business. Tel un fantôme, increvable, Glass est interprété par un Leonardo DiCaprio tout en mutisme et en souffrance physique. Laissé pour mort, il revient à la vie dans un seul but : la vengeance. Est-ce là une manière de vivre? Est-ce le droit de l'Homme? En parallèle, Iñárritu raconte également le désir de vengeance des Indiens d'Amérique, trahis, volés, dépossédés de leur terre, unissant ainsi la quête personnelle, intime, de son protagoniste, au sanglant plaidoyer d'un peuple.

Entre l'attaque sur un camp de trappeurs ou celle d'un ours sur le héros, le film retourne l'opprimé et la nature contre son oppresseur, justifiant la forme ostentatoire de ces hallucinantes séquences par leur capacité immersive. Pas de plan-séquence à proprement parler mais beaucoup de longs plans continus qui rappellent le travail de Lubezki chez Alfonso Cuaron, proposant une immersion pas loin de la réalité virtuelle. À la plongée dans le chaos d'un massacre proféré par les indiens succède une séquence qui ressemble à un crossover entre L'Ours et Irréversible. La force de frappe du film est sans concessions. C'est pourquoi il est dommage que les longueurs du film - qui fait 2h31, soit le plus long Iñárritu - diluent quelque peu ces morceaux de bravoure. Mais la fin est parfaite. Sans doute un peu trop froid, The Revenant demeure un exercice de style macabre formellement à tomber.

par Robert Hospyan

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