Terre promise

Terre promise
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Terre promise
Israël, 2004
De Amos Gitaï
Scénario : Amos Gitaï, Marie-Jose Sanselme
Avec : Diana Bespechny, Anne Parillaud, Rosamund Pike
Durée : 1h30
Sortie : 12/01/2005
Note FilmDeCulte : ****--

Après avoir traversé le désert avec l’aide de Bédouins, de jeunes filles d’Europe de l’Est sont exploitées comme prostituées en Israël.

FEMMES EN STOCK

La nuit tombée, dans le Sinaï, des femmes et des hommes conversent dans le désert au coin du feu. Cette première séquence fugitive rappelle inévitablement Kedma, un précédent long métrage d’Amos Gitaï sur l’arrivée des premiers rescapés des camps de concentration en Palestine, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Sauf qu’il ne s’agit pas ici d’une nouvelle reconstitution historique mais bien d’une réalité contemporaine, celle des trafics de prostituées qui gangrènent Israël aujourd’hui. Terre promise - le titre ironique porte le nom du bordel auquel sont assignées les jeunes filles – est un film militant, choquant, saisi dans l’urgence, caméra au poing. Une nouvelle fois, Amos Gitaï réveille les bonnes consciences de son pays en montrant une vérité cachée et sordide. Pour mieux coller à la peau de ses personnages, le cinéaste abandonne ses habituels partis pris de mise en scène, constitués de plans-séquences très élaborés. Il profite de la souplesse des caméras DV pour donner une vertigineuse impression de réel. Le magnifique travail de la chef opératrice française Caroline Champetier, diffuse une atmosphère onirique, primitive, qui accentue le malaise et renforce le contraste entre la douceur des corps féminins et la brutalité des hommes.

AU NOM DE LA ROSE

Très documenté, le film est conçu comme une succession de scènes chocs: le choix des prostituées en pleine nuit par les différents marchands d’esclaves, une horrible douche collective, le maquillage minutieux opéré par la maquerelle en chef ou encore la première nuit de travail dans un obscur tripot en bord de mer. Amos Gitaï accompagne un temps quelques femmes pour finalement se concentrer sur deux d’entre elles: Diana, une jeune Russe perdue loin de sa terre natale et Rose au passé énigmatique, ange blond entiché d’un voyou, témoin fasciné par cette traite des blanches. Parfois confus dans sa narration, Terre Promise n’est pas un film "aimable". Amos Gitaï nous plonge dans un enfer parfois visuellement à la limite du soutenable. Dans ce chaos frénétique, les moments de répit sont rares et poétiques: Diana et Rose attendant leur bourreau, un chat dans la neige, une chorale dans une église orthodoxe, des sourires partagés. Et sans prononcer un mot, les deux jeunes filles scellent leur destin futur dans cette évocation d’un passé lointain et heureux. Si Terre promise n’a pas la maîtrise de Kadosh ou de Kippour, les deux sommets de la riche filmographie d’Amos Gitaï, ces instants de grâce suspendue confirment la présence d’un grand réalisateur derrière la caméra.

par Yannick Vély

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