Terminator 3
États-Unis, 2003
De Jonathan Mostow
Scénario : John Brancato, Michael Ferris, Tedi Sarafian
Avec : David Andrews, Earl Boen, Claire Danes, Kristinna Loken, Arnold Schwarzenegger, Nick Stahl
Durée : 1h49
Sortie : 06/08/2003
Le Jugement Dernier, prévu pour le 29 Août 1997, n’a jamais eu lieu. John Connor erre à travers le pays, gardant l’anonymat jusqu’à ce qu’un T-X, dernier modèle en date, ne soit envoyé dans le passé à sa recherche. Heureusement, un Terminator sera également là pour le protéger…
Il y a maintenant douze ans, James Cameron achevait son diptyque en allant plus loin que la conclusion du premier tome, abandonnant ses personnages dans un monde enfin débarrassé de la menace des machines. C’était sans compter sur la capacité d’Hollywood à faire renaître n’importe quelle franchise de ses cendres. Probablement plus que tout autre projet, Terminator 3 partait sur de bien mauvaises bases. Cameron était en froid avec les producteurs Mario Kassar et Andy Vajna, et ne souhaitait aucunement perpétuer la saga avec eux, malgré les supplications répétées d’Arnold Schwarzenegger. Un autre réalisateur allait devoir succéder à l’auteur. Inutile de dire que les fans à travers le globe voyaient ça d’un mauvais œil. Comment cette suite apparemment vénale pourrait-elle s’avérer digne de l’œuvre personnelle de Cameron? Le choix des producteurs, après s’être intéressés à Ridley Scott, David Fincher, John McTiernan et Ang Lee (qui ont évidemment tous refusé), s’est porté sur Jonathan Mostow. Le réalisateur, certes classique mais efficace, n’était pas à proprement parler le choix le plus évident (surtout qu’il ne s’agit pas d’un auteur au même titre que les quelques personnes citées plus haut). La première surprise est de constater que Mostow ne souille pas du tout la saga. De plus, il fait appel au duo de scénaristes Brancato/Ferris pour remanier le script désolant de Tedi Sarafian (Tank Girl), et apporter ainsi un réel intérêt à ce nouvel épisode.
Pas un auteur, mais plus qu’un simple film maker inintéressant, Mostow parvient à se réapproprier le film. Se débarrassant des récurrences "cameroniennes", que ce soit dans l’esthétique (abandon de la tonalité bleue, propre aux deux premiers films) ou la thématique principale (la femme forte n’est plus), le réalisateur opte pour une ambiance globalement pessimiste. Les dominantes chromatiques s’orientent vers le rouge et le noir; entre le feu et la nuit, Mostow amorce le chemin vers l’apocalypse. Déjà en 1984, Terminator brillait par ses effets spéciaux, et la séquelle fut encore plus révolutionnaire. Ici, Mostow a eu le bon sens de ne pas se laisser aller à employer les toutes dernières avancées dans le domaine, et garde un style finalement assez cohérent avec les deux précédents opus. Le film est donc honorablement dépourvu de plans numériques trop voyants. Le spectateur averti parviendra peut-être à déceler les quelques images de synthèse, presque invisibles, insérées dans la sublime poursuite en voiture de la première partie du film. Véritable morceau de bravoure, cette scène d’action démesurée, où toutes sortes de machines (voitures, camions, Terminators) servent d’auto-tamponneuses, témoigne du talent purement fonctionnel du metteur en scène. Par un montage irréprochable, il insuffle un rythme haletant à ce spectacle démentiel. Néanmoins, outre cette séquence, Mostow peine à dynamiser sa première heure, où l’absence de Cameron se fait cruellement sentir. L’exposition s’avère longue et banale, et les seules trouvailles sont des gags qui auraient pu trouver leur place dans une parodie, tant le second degré est poussif. Pas réellement gênant (et même parfois amusant), l’humour reste un tant soit peu déplacé. Mais Terminator 3 est un film qui va en s’améliorant. En particulier grâce à une intrigue plus originale qu’on ne s’y attendait…
Le film porte son nom mais est-il réellement le personnage principal? Dans l’épisode original, le Terminator est le méchant. Il ne parle presque pas et c’est l’évolution de Kyle Reese et Sarah Connor qui importe. Dans Terminator 2, il est enfin au centre du métrage, et évolue au même titre que les autres protagonistes. Le director’s cut révèle d’ailleurs une scène primordiale, dans laquelle Connor mère et fils retirent la puce d’intelligence artificielle de la machine pour la réinitialiser, permettant ainsi au Terminator d’apprendre (entre autres des punchlines). Dans ce troisième chapitre, Arnold est de nouveau relégué au second plan. C’est John Connor qui traverse un processus de métamorphose. Lorsqu’on le retrouve après toutes ces années, il n’est plus le gamin odieux qu’on a connu, mais un héros déchu. Quelqu’un à qui on a répété depuis son plus jeune âge qu’il était destiné à devenir le sauveur de l’humanité, qu’il allait être le Messie. Le jour du Jugement Dernier n’est jamais arrivé. Durant la période qui sépare les deux films, on imagine John comme l’était sa mère dans le second volume, hanté par des visions apocalyptiques, conscient d’une fin certaine à venir. Il s’est éloigné des autres, vagabonde à travers les Etats-Unis et boit. Jusqu’à ce que son destin ne le rattrape. Et c’est précisément là qu’apparaît toute la logique du film qui inverse les données posées par Cameron. Là où son prédécesseur prônait l’optimisme et portait comme message les paroles "il n’y a pas de destin mais ce que nous faisons pour nous-mêmes", prononcées tour à tour par Reese, Sarah et à présent John, Mostow impose le destin comme une fatalité inéluctable. Connor ne veut plus devenir un grand chef militaire, car cela signifierait que des milliards de personnes devraient périr dans l’apocalypse. Il veut empêcher que cela n’arrive, bien qu’il ne puisse pas influer le cours de son destin. Terminator 3 effectue une légère relecture de l’archétype de l’Elu. Généralement, le protagoniste découvre son illustre destinée et l’accepte afin de vaincre, or ici Connor découvre un destin qui tarde à se réaliser. C’est seulement lorsqu’il s’avère réel, qu’il refuse finalement d’endosser son rôle. En ce sens, la conclusion du film est de toute beauté.
Autour de lui, figurent les autres personnages, moins intéressants, tel que celui de Claire Danes, mal écrit et mal interprété, et bien évidemment les deux Terminators. Si Arnold est égal à lui-même (les réminiscences de son meilleur rôle, les répliques jouissives...), le charisme du T-1000 fait légèrement défaut à cette nouvelle T-X. Mais elle s’avère néanmoins satisfaisante, en particulier lorsque les deux cyborgs se battent l’un contre l’autre, à grands coups de lavabos, ou se projetant violemment à travers les murs. Malgré quelques fautes finalement oubliables, on ne peut bouder son plaisir. Il faut aller outre l’absence de Cameron pour apprécier à sa juste valeur le travail de Mostow et de ses scénaristes. Ils ont su capter le potentiel tout en adaptant le sujet à leur guise. Si la courte durée du métrage traduit l’exploitation parfois insuffisante des personnages, elle n’handicape en rien l’un des meilleurs blockbusters de cet été. Au vu du final, un T4 n’est peut-être pas une idée des plus pertinentes, mais on ne peut s’empêcher d’en vouloir plus. Ayons confiance en Jonathan Mostow.