Terminal (Le)
The Terminal
États-Unis, 2004
De Steven Spielberg
Scénario : Sacha Gervasi, Jeff Nathanson
Avec : Tom Hanks, Diego Luna, Chi McBride, Kumar Pallana, Stanley Tucci, Catherine Zeta-Jones
Photo : Janusz Kaminski
Musique : John Williams
Durée : 2h08
Sortie : 15/09/2004
Lorsque la guerre éclate dans le pays d'origine de Victor Navorski, alors que celui-ci est en plein vol, ses papiers se retrouvent invalides à son arrivée sur le territoire américain. Il est donc coincé dans l'aéroport jusqu'à ce que la situation dans son pays soit rétablie.
MASTER AND COMMANDER
Comment fait-il? C'est la première pensée qui vient à l'esprit du spectateur durant la projection du Terminal, une comédie légère qui n'a qu'une ambition récréative pour son réalisateur. Sans aucun doute son film le moins ambitieux depuis Le Monde perdu, et donc en-dessous des cinq bijoux consécutifs qu'il nous a livrés depuis 1998, le nouvel opus de Steven Spielberg n'en demeure pas moins une franche réussite. L'ouvrage est certes mineur, et pourrait même être vulgairement qualifié d'insignifiant, et pourtant, il y arrive. Dans la moindre scène, au travers de la moindre petite idée, le metteur en scène parvient à faire passer quelque chose. Quelque chose de purement intangible mais de constamment présent. Une légère magie. Une aisance avec laquelle il nous raconte cette histoire simple, touchante. Le Terminal est un film qui ne marquera pas son temps, qui ne marquera même pas l'année pour beaucoup, mais c'est, encore une fois, une preuve du talent sans bornes de son auteur. En un mot, il a toujours la vibe. Même lorsqu'il signe une petite œuvre comme celle-ci. Le film a beau garder un profil bas, il n'en est pas moins riche. De la création d'un univers qui tend vers le surréalisme au message en filigrane, le dernier essai du maître n'est pas avare en idées.
NO MAN'S LAND
A partir d'un postulat de départ dont on ne semble pas pouvoir tirer grand chose, Spielberg et son équipe, autant artistique que technique, ont su cependant créer un monde à part. Comme son nom l'indique, Le Terminal est principalement articulé autour d'un microcosme, avec ses protagonistes, ses petites intrigues internes, sa vie. Et l'arrivée du personnage de Victor Navorski va apporter une touche fantaisiste (voire fantastique) à cet univers. Déclaré "citoyen de nulle part", l'apatride Navorski (Tom Hanks, encore une fois excellent) n'est pas sans rappeler l'orphelin Jim d'Empire du Soleil, qui découvrait la vie adulte tout comme Navorski découvre l'Amérique, apprenant à vivre par la débrouillardise, se bâtissant sur ses expériences. Le no man's land prend alors des allures presque surréalistes une fois qu'il s'anime autour de ce "citoyen" particulier et qu'il adopte son point de vue. Conservant un pied-à-terre, le récit ne bascule jamais dans l'impossible mais multiplie les situations plus-que-nature, improbables. L'esthétique générale souligne ce sentiment par le biais d'une photographie qui joue sur une lumière saturée et avec une gamme de couleurs vives, presque too much. Mais l'histoire ne se situe pas dans le monde réel, elle se situe dans le Terminal. Les couleurs deviendront de plus en plus chaudes au fur et à mesure que Navorski s'approprie son environnement, initialement semblable à tout autre aéroport, caractérisé par la froideur de ses murs blancs et de ses vitres. A l'instar des champ/contre-champ de l'incompréhension, du heurt, qui laissent petit à petit place aux plans où Navorski et Amelia, l'hôtesse de l'air qu'il courtise, sont unis dans un même cadre. Le personnage central amène ainsi les autres à parler le même langage que lui. Le langage universel commun à tout être humain.
I'M AN ALIEN, I'M A LEGAL ALIEN
De ce petit Terminal transpire néanmoins une subtile morale, un optimisme cependant réaliste concernant le statut des immigrés aux Etats-Unis, le point de vue des Américains sur les étrangers. Tout tient dans la réplique d'un directeur des services des douanes à son employé: il ne faut pas manquer de compassion envers les gens. Et c'est tout. Jamais cela n'est-il plus soutenu que par cette phrase, furtive, énoncée discrètement par un personnage de troisième plan. Spielberg confronte son personnage à un échantillon des Etats-Unis, représenté par la zone de transit et son melting-pot (un technicien de surface hindou, un bagagiste noir, un autre employé Mexicain.), avec lequel il parvient à nouer des liens tandis qu'il échoue dès qu'il s'agit d'Américains. Ce choix n'est pas innocent. Le Terminal est-il un grand film? Non. Un bon film? Oui. Sans être inoubliable, il est parcouru d'instants de grâce. Il faut voir la simplicité avec laquelle Spielberg raconte son histoire. Il s'agit véritablement ici du conteur, celui qui n'a plus rien à prouver mais qui ne peut s'empêcher de tourner. S'il a toujours du mal à gérer la longueur de ses métrages (avec 2h08, ce dernier est son film le plus court depuis Le Monde perdu mais demeure trop long), Steven Spielberg parvient avec toujours autant de maestria à immerger le spectateur dans ses films. Magique.