The Tale of Iya

The Tale of Iya
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Tale of Iya (The)
Iya Monogatari
Japon, 2014
De Tetsuichiro Tsuta
Scénario : Tetsuichiro Tsuta
Durée : 2h49
Note FilmDeCulte : *****-
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Une petite ville japonaise est menacée par un projet de tunnel dans la montagne. Quelques habitants traversent cette crise dans une région entre modernité et tradition...

LA SCIENCE DES RÊVES

Quoi de neuf au Japon aujourd’hui ? C’est une question que nous avons posée régulièrement sur FilmDeCulte, notamment dans notre dossier spécial. Et il y a toujours une sorte d’étonnement à découvrir un météore comme The Tale of Iya dont la seule incursion en Europe aura été une présentation au Festival Nippon Connection de Francfort au printemps dernier. De quoi se poser des questions lorsqu’on voit certains films nains venus d’ailleurs dans le monde et sélectionnés dans les plus grands festivals...

The Tale of Iya n’est pas sans défaut. Si sa longueur (2h49) est parfois une qualité (on y reviendra), il y a aussi de temps à autre un manque de tempo et de relief qui aplatit la narration. Mais le jeune Tetsuichirô Tsuta, 30 ans, se rattrape avec beaucoup d’élégance et d’audace. Les premières images de The Tale of Iya sont difficiles à dater. Le prologue muet est superbe et n’offre pas immédiatement des indices temporels, la texture du 35mm achève de brouiller les pistes. La nature incroyable est filmée avec grâce par Tsuta, quelque part entre l’onirisme magique d’une Kawase et le naturalisme brut d’un Imamura. Tsuta filme un coin perdu du Japon où le temps semble s’être arrêté : les paysans s’y affairent sans relâche comme les personnages damnés de L’Île nue. Mais il y a dans ce conte une tension étrange qui l’éloigne du simple récit mignon et passéiste d’un Japon révolu. Si le point de départ du film est proche du décor dans lequel Tsuta a vécu, le réalisateur avoue ne pas avoir lui-même trouvé dans la vie un équivalent du grand-père qu’il filme, seulement des traces, quelque chose de « mystérieux ». C’est ce mystère-là, qu’on n’avait pas vu venir, et qui s’instille dans The Tale of Iya jusqu’au vertige.

Un gamin mort, dit-on, a été ensorcelé par un renard. Mais l’hésitation fantastique ne se limite pas aux vieilles légendes. Une scène bluffante, cauchemardesque, semble échappée d’un étrange film d’horreur. Le fantastique est casse-gueule, comme ce décrochage narratif particulièrement acrobatique. Tetsuichirô Tsuta parvient à créer un espace-temps onirique hyper excitant : ce qu’on voit est-il réel, est-ce un souvenir ou un rêve, un fantasme ou un regret ? On s’y perd comme dans cette superbe scène de nuit dans une maison abandonnée où l’un des personnages tombe par hasard sur une jeune fille éclairée à la lanterne. Il y a un grand écart entre la majesté du décor et les petites histoires qui s’y passent, entre l’humilité apparente du projet et sa liberté absolue : le temps d’une scène, comme ce plan séquence situé vers la fin du film, on a le sentiment que tout peut arriver. Indice farceur : Naomi Kawase (lire notre entretien), dont le cinéma mêle réalisme documentaire et vertige fantastique, joue ici… une scientifique (aux côtés notamment de la jeune Rina Takeda, vue dans les folies de Noboru Iguchi). Car au-delà du propos sur la société japonaise et ses contradictions, son Japon rural et son tunnel creusé jusqu’au présent, le grand succès de Tetsuichirô Tsuta est poétique – s'égarer dans The Tale of Iya est un bonheur.

par Nicolas Bardot

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