Taklub
Philippines, 2015
De Brillante Mendoza
Avec : Nora Aunor
Durée : 1h37
Sortie : 30/03/2016
Après le passage du Typhon Hayan qui a dévasté la ville de Tacloban aux Philippines, les vies de Bebeth, Larry et Erwin s’entrelacent. Les survivants recherchent les corps des défunts, tout en protégeant leur propre vie et en conservant le peu de foi qui reste. Une série d’évènements continue de tester leur endurance.
LES JOURS D’APRES
Des grands-mères de Lola aux otages de Captive, le cinéma de Brillante Mendoza (lire notre entretien) a toujours été un cinéma de la survie. Devant sa caméra, nerveuse et immergée dans des zones parfois jamais filmées, les Philippines battent comme un cœur affolé. Mais derrière cette urgence incessante, c’est surtout une humanité fulgurante qui déborde. Une humanité qui peut s’entendre aussi bien dans le sens de communauté que de compassion. Pour ce nouveau film (le treizième, déjà), le réalisateur philippin s’est rendu sur les lieux ravagés par le tsunami provoqué par le typhon Haiyan, fin 2013. De ces villages à la fois grouillants et fantomatiques, où des bateaux gigantesques sont restés échoués au milieu des maisons, où les survivants portent littéralement leur croix sur le dos, il a retiré des récits de survie, recréés ici à l’écran avec une véracité quasi-documentaire.
Mais Mendoza n’est pas un distributeur de tracts humanitaires, et Taklub c’est du cinéma. Le cinéma-vérité de Mendoza est toujours transcendé par un argument mélodramatique, le plus souvent axé autour d’une héroïne tragique. On retrouve ici en tête d’affiche la star locale Nora Aunor (déjà mère courage dans Thy Womb), mais cette fois-ci le récit déborde lui aussi du cadre narratif habituel. Il n’y a pas de personnage principal dans Taklub, qui passe d’une histoire à l’autre, abandonnant et retrouvant des personnages en cours de route. Loin d’être étouffante, cette structure multiple donne une nouvelle échelle à la tragédie des rescapés, tout en étant un audacieux pari de cinéma.
C’est le paradoxe qui rend le cinéma de Mendoza si incroyable : à l’opposé du cinéma réaliste et sage tel qu’on le connait et le pratique le plus souvent en occident, ses films sont à la fois plus vivants et plus audacieux. Mélangeant les registres avec une fluidité rare (avec quelques incroyables virages vers l’humour ou le film catastrophe), la caméra de Mendoza est aussi intransigeante quand il s’agit de filmer l’horreur de la situation qu’au moment de filmer la vie qui reprend le dessus. Jamais candide et jamais cynique, Taklub est un film qui bouleverse, dans lequel on s’immerge avec passion.