Taj Mahal
France, 2015
De Nicolas Saada
Scénario : Nicolas Saada
Avec : Stacy Martin, Louis-Do de Lencquesaing
Photo : Léo Hinstin
Durée : 1h31
Sortie : 02/12/2015
Louise a dix-huit ans lorsque son père doit partir à Bombay pour son travail. En attendant d’emménager dans une maison, la famille est d’abord logée dans une suite du Taj Mahal Palace. Un soir, pendant que ses parents dînent en ville, Louise, restée seule dans sa chambre, entend des bruits étranges dans les couloirs de l’hôtel. Elle comprend au bout de quelques minutes qu’il s’agit d’une attaque terroriste. Unique lien avec l’extérieur, son téléphone lui permet de rester en contact avec son père qui tente désespérément de la rejoindre dans la ville plongée dans le chaos.
LE JOUR D’APRÈS
Tourné l'an passé, monté en début d'année, Taj Mahal prend évidemment une dimension supplémentaire à la lumière des attentats qui ont touché Paris le mois dernier. Pas tant une dimension politique: Taj Mahal n'est pas un film sur le terrorisme ou sur l'islamisme. Une dimension émotionnelle assurément - mais il ne s'agit pas, fort heureusement, de cinéma BFM TV.
Le film de Nicolas Saada rappelle le meilleur du cinéma catastrophe des années 70. Pas dans son aspect le plus spectaculaire, encore moins dans ses tendances les plus sadiques (du couple prenant feu au ralenti dans La Tour infernale à la maman qui se prend du verre dans la figure pour avoir essayé de sauver sa fille dans Tremblement de terre). Plutôt dans sa puissante dimension cathartique. Le genre a connu ses fleurons les plus illustres à une époque où l'Amérique était en enfer, embourbé dans la Guerre du Vietnam. L'Aventure du Poséidon ou La Tour infernale sont avant tout des récits de survie: dans le premier, on y chante "There's got to be a morning after", dans le second, les héros éprouvés s'étreignent aux pieds de la tour en flammes. Taj Mahal s'inscrit tout à fait dans cette lignée de récits archétypaux de catharsis et de survie, tout en offrant au genre un contrepied stimulant.
Nicolas Saada fait le choix du minimalisme total. L'histoire est essentiellement confinée à un appartement : à la place des villes, avions, buildings et paquebots géants (ou ici un beau palais à touristes), un simple huis-clos. La tension naît par des outils de cinéma: la lumière, le découpage, le travail sonore. Le film a également de la ressource scénaristique, à l'image de l'apparition de l'Italienne Alba Rohrwacher lors d'une séquence forte et réussie. Autre contrepied: le choix surprenant de Stacy Martin, la jeune actrice découverte dans Nymphomaniac de Lars Von Trier. On aurait imaginé dans cette histoire une actrice qui vocifère et pleure à chaudes larmes. Martin est l'inverse: une toute jeune fille livide, perdue et assommée par l'horreur indescriptible qui la menace, juste derrière sa porte. Il y a quelque chose de très fragile, instinctif dans sa prestation qui suscite une empathie et qui, avec une actrice plus mécanique, davantage dans la démonstration, n'aurait pas fonctionné de la même façon. Bien entendu, l'émotion ici est aussi extra-filmique. C'est aussi la réussite délicate du long métrage: parvenir à parler d'une telle situation, à l'incarner avec humanité et sans sensationnalisme.