Suntan

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Suntan
Grèce, 2016
De Argyris Papadimitropoulos
Durée : 1h44
Sortie : 31/05/2017
Note FilmDeCulte : ****--
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Kostis, la quarantaine, est engagé par la municipalité comme docteur sur l’île d’Antiparos en Grèce. Il passe un hiver solitaire et morne. Mais quand l’été arrive, l’île se transforme en lieu de villégiature hédoniste avec ses plages naturistes et ses fêtes sans fin. Kostis rencontre la jolie et séduisante Anna dont il tombe amoureux et fait tout pour lui plaire. Très vite il passe son temps à faire la fête, boire et sortir avec Anna, au détriment de son travail.

COUP DE SOLEIL

Suntan est l’œuvre du Grec Argyris Papadimitropoulos (lire notre entretien) dont la cinématographie est encore jeune (il s'agit de son troisième long métrage), mais il serait un peu hâtif de l'inclure dans la récente école surréaliste du nouveau cinéma grec, constituée de Yorgos Lanthimos (Canine, The Lobster), Athina Rachel Tsangari (Chevalier) ou Babis Makridis (L). Le récit et les outils narratifs de Suntan sont moins fous, mais cela n'empêche pas Papadimitropoulos d'aller au bout de ses idées. Suntan a également des allures de fable, mais plus qu'au surréalisme on pense surtout ici à La Fontaine qui aurait enfilé son slip de bain pour une plage d'Antiparos, avec cette confrontation improbable entre un gentil patapouf et de jolis mannequins à poil.

Kostis, médecin qui semble en pleine crise de la quarantaine, débarque sur une petit île grecque en hiver. Ce n'est pas une Grèce de vacances et de soleil, plutôt une Grèce de Noël voilée de gris. Au bar du coin, on trompe l'ennui tandis que des sémillants papys cabriolent sur de la musique traditionnelle. Le générique provoque un saut dans le temps brutal qui crame l'image : nous sommes en été et l'île est transfigurée. L'image de Christos Karamanis (qui a signé celles de Chevalier ou plus récemment de Soy Nero) est inondée de lumière et la carte postale est sous nos yeux. Kostis, le sympathique bonhomme un peu loser, va rencontrer une bande de jeunes gens qui ont la moitié de son âge et qui ont décidé de profiter des vacances avec le moins de vêtements et le plus d'alcool.

Papadimitropoulos, lecteur de Houellebecq, fait le portrait nuancé d'un homme encore jeune mais déjà arrivé à un tournant de sa vie. Il est tourmenté par ses échecs – passés sous silence mais qui pèsent dans ses valises – et va avoir l'occasion (croit-il) de rattraper le temps perdu. L'hédonisme potache, la volonté de s'intégrer à un groupe, les expérimentations sexuelles : Kostis a 20 ans à nouveau. Mais derrière l'insouciance à l’œuvre vibre en creux une inquiétude. L'écriture de Suntan est suffisamment minutieuse pour que le cheminement du personnage reste crédible et sans lourdeur manichéenne. Il faut de vraies qualités de scénariste pour peindre un portrait aussi pathétique, pour raconter la perversité de son dénouement sans perdre de vue l'humanité de son sujet.

Incarné par Makis Papadimitriou, visage familier du nouveau cinéma grec et sorte de mini-John C.Reilly hellène, Kostis est un antihéros de cinéma assez poignant, presque romanesque malgré la situation scabreuse, un peu à l'image d'un King Kong épris d'Ann Darrow ou de la créature de Frankenstein inadaptée au monde qui l'entoure. Dans sa cruauté, Suntan n'oublie jamais d'être bienveillant, et prouve au contraire de tonnes de productions ciblées post-ados/geeks qu'on peut faire un film sur la frustration sexuelle, où un mec moyen s'entiche d'une déesse, sans en faire un navet infantilisant ou misogyne. Suntan nous fait découvrir une personnalité à part sur laquelle on comptera.

par Nicolas Bardot

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