Stormy Weather

Stormy Weather
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Cora, jeune et jolie docteur en psychiatrie, est troublée par l’arrivée dans son service d’une patiente mutique et dont personne ne connaît l’identité. Elle se passionne pour cette étrangère aphasique et essaye de la comprendre. Jusqu’à découvrir qu’elle s’appelle Loa et qu’elle vient d’une petite île d’Islande, Vestmannaeyjar.

VOYAGE LACUNAIRE

On se demandait ce qu’était devenue Sólveig Anspach depuis le joli petit succès critique et public de Haut les cœurs!, en 1999. On avait bien saisi au passage, il y a une paire d’années, un poignant documentaire, Made in the USA. Mais on commençait à s’inquiéter du retour de l’Islandaise à la fiction. C’est donc chose faite avec Stormy Weather, mélo graphique et itinérant, boiteux et charmant, calme et lancinant. Si la recette de base semble calquée sur Haut les cœurs!, avec grandes actrices pour femmes fortes (Karin Viard il y a quatre ans, Elodie Bouchez et Didda Jónsdóttir aujourd’hui) et drame médical, le résultat est tout autre. Documentariste dans l’âme (Par amour, Sandrine à Paris, Que personne ne bouge!), Anspach se veut ici plus en phase avec ses velléités artistiques. Ainsi, là où Haut les cœurs! était avant tout un film écrit, avec circonvolutions psychologiques, climax et dénouement, Stormy Weather se veut œuvre plastique, formelle et mouvante. De fait, ce que le film gagne en attrait visuel (forêt enneigée, panoramas aveuglés de soleil, récifs brumeux, bleu-gris volcanique), il le perd en cohérence scénaristique, notamment dans une première partie assez laborieuse. En tentant de s’approprier le thème archi-rebattu de l’hôpital psychiatrique et de la folie, Anspach tombe dans quelques écueils élémentaires. Lacunaire, la structure scénaristique de Stormy Weather semble inachevée: de nombreux personnages (le grand-père, le petit ami de Cora) restent ouvert, manquent de développement, et s’effaceront petit à petit au détour d’ellipses pas toujours très habiles. Mais ces premiers pas sont avant tout un prétexte au voyage, à la quête d’horizons nouveaux, que la réalisatrice épanche en revenant en terrain connu.

VOLCANIQUE ERRANCE

Aussi, c’est dans sa deuxième partie, en quittant la Belgique, que Stormy Weather entre véritablement dans le vif de son sujet. Il ne s’agit plus ici de raconter une histoire édifiante, mais davantage de capturer des états, des émotions, des instants et surtout des paysages. Nouvel hommage dans la filmographie d’Anspach à son île natale de Vestmannaeyjar, après un court métrage éponyme en 1990, Stormy Weather est une ode à la simplicité granitique de l’Islande et à son rapport presque fantasmagorique avec les êtres. Le contraste entre la grisaille, la nature encadrée de la première partie, et le bleu vaporeux, la nature impétueuse de Vestmannaeyjar, est frappant. On passe d’un environnement protecteur et ordonné à un état sauvage prétendument maîtrisé. A Vestmannaeyjar, l’homme n’a pas la main-mise sur la nature; les rapports s’inversent. Les vagues déferlent, la pluie s’abat, le froid s’installe et le vent emporte avec lui une adresse griffonnée sur un bout de papier. On retrouve, en substance, une atmosphère insulaire brute, proche de l’Ecosse de Von Trier dans Breaking the waves. Seulement voilà, Loa n’est pas Bess, et l’on ne parvient pas à se passionner pour cette destinée à laquelle on ne croit pas et dont on ne comprend pas les aboutissants. Restent un paysage puissamment restitué et deux actrices en état de grâce. A la fois beaucoup et pas assez pour faire un film. A notre grand regret.

par Guillaume Massart

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