Spencer

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Spencer
Royaume-Uni, 2021
De Pablo Larrain
Scénario : Steven Knight
Avec : Kristen Stewart
Photo : Claire Mathon
Musique : Jonny Greenwood
Durée : 1h57
Sortie : 17/01/2022
Note FilmDeCulte : *****-
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Le mariage de la princesse Diana et du prince Charles s'est terni depuis longtemps. Bien que les rumeurs de liaisons et de divorce abondent, la paix est ordonnée pour les festivités de Noël au domaine de la reine à Sandringham. Il y a à manger et à boire, à tirer et à chasser. Diana connaît le jeu. Mais cette année, les choses seront bien différentes. Spencer est une illustration de ce qu’il aurait pu se passer pendant ces quelques jours fatidiques.

LE CONTE DE LA PRINCESSE DIANA

En deux plans, le ton est donné. Une étendue rurale où la brume s'est posée - et semblera ne jamais quitter l'image 16mm de Claire Mathon, même lors des plans en intérieur - renvoie aux contrées des romances gothiques des Brontë. Juste après, une pancarte dans les cuisines intime de faire le moins de bruit possible parce que "ils peuvent vous entendre". Un avertissement qui revêt un aspect plus menaçant qu'il ne le devrait et qui dit pourtant tout de la démarche de Pablo Larrain et Steven Knight sur ce film défini par un carton d'ouverture comme "une fable inspirée d'une tragédie réelle". Spencer est plus proche du film d'horreur que du biopic.

Comme nombre de réussites mettant en scène des personnes ayant réellement existé, le film a l'intelligence de ne pas chercher à raconter, même partiellement, la vie toute entière de son protagoniste, mais s'intéresse à une période définie et restreinte pour raconter son histoire. En se concentrant sur les trois jours que Diana a passé à Sandringham House pour Noël en 1991, Spencer dresse un portrait impressionniste de l'icône mais plutôt que de l'humaniser de manière attendue en montrant les coulisses et la réalité de sa vie à la cour (comme l'a fait à merveille la série The Crown), l'approche ici fait d'elle l'héroïne d'un thriller psychologique à la Roman Polanski, enfermée dans une prison dorée telle Rosemary enceinte (impeccable Kristen Stewart, complètement transformée). Non content de son postulat déjà fantasmé, imaginant ce qui a poussé la future reine à enfin quitter Charles, l'exercice surenchérit donc en adoptant des atours de film de genre. Il y a cinq ans, Pablo Larrain s'intéressait déjà à l'errance paranoïaque d'une première dame dans une maison hantée mais Spencer franchit clairement le pas que Jackie gardait encore métaphorique. Il est sans cesse question de passé se mêlant au présent et de fantômes, sans compter tous ces pronoms de la troisième personne du pluriel qui ont tôt fait de désigner les membres de la cour comme des monstres. Ce n'est après tout rien d'autre que l'histoire d'une princesse tenue prisonnière d'un château et qui s'en échappe.

En regardant le film, on en vient à se demander si le résultat est dû au traitement imposé par Larrain sur le scénario de Steven Knight, qui a déjà fait preuve de ce genre de radicalité narrative (le petit miracle Locke) mais qui demeure un scénariste tout de même plus classique, même sur des biopics efficaces (Le Prodige). Était-ce le cinéaste qui avait pris un script plus conventionnel (comme en témoignent certains dialogues un peu trop dénués de sous-texte) pour en faire un film d'épouvante, en allant chercher Guy Hendrix Dyas (chef décorateur d'X-Men 2, Inception et Indiana Jones 4) pour imaginer un manoir où opérer tous ces travellings en grand angle dans des couloirs à la Shining et en demandant à Jonny Greenwood de composer une improbable BO mêlant jazz malaisant et violons dont l'archet semble jouer directement sur nos nerfs? En réalité, Larrain est parti chercher Knight pour lui proposer d'écrire un film sur Diana mais l'idée de présenter le récit comme un conte de fées vient du scénariste qui a cette formule résumant parfaitement l'entreprise : "tous les contes de fées sont des histoires horrifiques avec un happy end". Avec ce parti-pris, Spencer s'avère très fort, singulier dans sa proposition, déroutant tout le long et même poignant sur la fin.

par Robert Hospyan

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