Spectre

Spectre
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Spectre
États-Unis, 2015
De Sam Mendes
Scénario : Jez Butterworth, John Logan, Neal Purvis, Robert Wade
Avec : Dave Bautista, Monica Bellucci, Daniel Craig, Ralph Fiennes, Naomie Harris, Léa Seydoux, Christoph Waltz, Ben Whishaw
Photo : Hoyte Van Hoytema
Musique : Thomas Newman
Durée : 2h28
Sortie : 11/11/2015
Note FilmDeCulte : *****-
  • Spectre
  • Spectre
  • Spectre
  • Spectre

Un message cryptique venu tout droit de son passé pousse Bond à enquêter sur une sinistre organisation. Alors que M affronte une tempête politique pour que les services secrets puissent continuer à opérer, Bond s'échine à révéler la terrible vérité derrière... le Spectre.

LA MORT LUI VA SI BIEN

Après un premier coup d’œil sur la bande-annonce de Spectre, il apparaissait que le film allait suivre de très près Skyfall. Et quoi de plus normal? Non seulement le film est considéré par beaucoup comme le meilleur chapitre de l'ère Daniel Craig et comme l'un des meilleurs de toute la saga, et ce à juste titre, mais il marque aussi la première fois depuis les années 80 qu'un même réalisateur rempile sur un deuxième film consécutif. Toutefois, ceux qui craignaient un sentiment d'épilogue vaguement superflu à la Quantum of Solace peuvent être rassurés. L'action a beau se situer très tôt après celle de son prédécesseur, le film est autant une suite de Skyfall qu'une suite à Casino Royale et Quantum of Solace, avec une intrigue qui intervient comme un retcon (contraction du terme "retroactive continuity", sorte de révisionnisme au sein d'une même continuité) reliant les bad guys de ces films à l'organisation qui donne son titre au dernier opus. Inauguré par un gunbarrel enfin de retour sous sa forme classique, premier de nombreux auto-hommages, Spectre finit la réintronisation des personnages-phares de la saga et marque le retour définitif à la formule 007, pour le meilleur et pour le pire.

En effet, sans aller jusqu'à dire que le film a le cul entre deux chaises, il témoigne d'une certaine hétérogénéité, partagé entre une œuvre incarnée à la Skyfall et un épisode plus classique répondant, de manière toutefois efficace, au cahier des charges de la licence. Si ce deuxième volet signé Sam Mendes peut faire figure de deuxième partie d'un diptyque, c'est dans la continuation de l'ambiance mortifère du précédent. Dès le début, et de la façon la plus frontale qui soit, la thématique est annoncée noir sur blanc : "Les morts sont vivants". Et ce splendide premier plan, qui renvoie à La Soif du mal, est comme une profession de foi, résumant le personnage en une image, un costume, une action. Bond, qui dans le précédent film définissait son hobby comme étant "la résurrection", devient la Mort incarnée, silencieuse et fatale, une femme à son bras sur son trajet vers une mort de plus. Un spectre dans un monde où les morts reviennent à la vie pour nous hanter. Cela vaut pour notre héros mais aussi pour celle qu'il choisit de protéger, Madeleine Swann, comme son nom à résonance doublement proustienne l'indique. Avec une cascade spectaculaire en référence à L'Homme au pistolet d'or et un sublime générique tentaculaire et morbide avec un clin d'oeil improbable à Un chien andalou, le premier tiers du film s'avère parfait. On se serait passé du postulat vu mille fois consistant à montrer un Bond seul parce que mis à pied/viré/démissionnaire/laissé pour mort, tout comme on aurait pu faire sans la menace parallèle qui pèse sur le MI6 mais celle-ci s'avère au moins pertinente dans son propos anti-surveillance totale qui, en plus d'être très actuel, renoue avec l'aspect un tant soit peu géopolitique des deux premiers Craig, où les méchants manipulent la bourse ou les régimes.

Impossible d'en dire autant du lien familial unissant Bond à sa némésis, Oberhauser, qui est au mieux superficiel, au pire superflu. On comprend la volonté des auteurs à garder la dimension personnelle de Skyfall mais ce rapport n'est pas suffisamment poussé pour avoir une réelle incidence dramaturgique. En l'état, elle amoindrit même un peu la portée des agissements du personnage de Christoph Waltz. Cela dit, les séquences où l'acteur apparaît sont parmi les plus fortes. Qu'il s'agisse de la première - une terrifiante réunion du Spectre - ou des suivantes - son introduction, son antre avec toutes ses fourmis-ouvrières, cette bonne vieille scène de torture, l'atmosphère est glaçante. C'est d'ailleurs entre sa première apparition et son retour dans le récit que le film se fait plus faible. L'exécution n'est jamais mauvaise ou ennuyeuse mais demeure plus fonctionnelle dans l'application de sa recette, ce sempiternel jeu de piste globe-trotter où Bond va de pays en pays pour arriver au bout de son enquête. La structure ne gêne pas mais l'écriture de chaque rencontre et la mise en scène de l'action ne sont pas les plus remarquables de la licence. Le personnage de Léa Seydoux, et sa performance, sont plutôt bons mais sa romance est précipitée, de par son arrivée tardive dans l'aventure. Le scénario aurait vraiment gagné à ne pas inventer de nouveau personnage comme cible de Bond pour le prégénérique mais à utiliser directement Mr. White dès le début, et plutôt que d'avoir ce personnage de première Bond Woman sacrifiée en la personne de Monica Bellucci (qui a donc peut-être 6 minutes de film en tout), il aurait fallu faire intervenir Madeleine Swann dès ce moment-là.

Réussissant à trouver un bon équilibre entre démesure et crédibilité, les morceaux de bravoure sont efficaces mais peu sont mémorables. La poursuite en voiture est plutôt banale à l'exception de sa conclusion, la poursuite en montagne est plus impressionnante mais grâce aux véhicules utilisés, et le climax peu inventif est sauvé avant tout par la portée thématique de l'endroit où il se déroule. L'ensemble manque de concepts. Retenons tout de même le combat dans le train, très classique mais assez réjouissant dans son côté bourrin, comme un remake vénère de celui de Bons baisers de Russie, avec le charismatique Mr. Hinx de Dave Bautista en remplaçant du Red Grant de Robert Shaw. Un gros bras droit à l'ancienne donc, ultime indicateur du retour aux sources qu'est Spectre et dernière case à cocher pour Craig avant son départ? Techniquement, il reste un film dans son contrat mais au vu des dernières scènes, ce Spectre pourrait bien être sa sortie. Si le film n'est pas à la hauteur du précédent, il reste un blockbuster à la fois divertissant - avec notamment plus d'humour que dans les autres Craig sans tomber dans les punchlines à la Moore/Brosnan - et chargé en gravitas, Mendes s'assurant d'avoir quelque chose à raconter, étudiant une fois de plus ce qui anime le personnage de James Bond, que la mort ne cessera jamais d'entourer.

par Robert Hospyan

Commentaires

Partenaires