Souviens-toi de moi

Souviens-toi de moi
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Souviens-toi de moi
Ricordati di me
Italie, 2003
De Gabriele Muccino
Scénario : Gabriele Muccino, Heidrun Schleef
Avec : Monica Bellucci, Fabrizio Bentivoglio, Gabriele Lavia, Laura Morante, Silvio Muccino, Nicoletta Romanoff
Durée : 1h58
Sortie : 12/11/2003
Note FilmDeCulte : **----

Désillusions, manque d’ambition et petitesses d’ordres divers rongent de l’intérieur le couple quarantenaire Giulia et Carlo. A mesure que leur amour s’effiloche, leurs passions de jeunesse (la comédie pour l’une, l’écriture pour l’autre) leur font de l’œil. Observateurs et acteurs à leur corps défendant de ce chaos parental, Paolo et Valentina, leurs enfants, tentent de leur côté de ne pas réitérer ces vies d’échecs.

JUSTE UN AUTRE BAISER

Ce même mercredi sortent sur les écrans français deux films italiens d’un tonneau similaire. La Felicita, d’une part, sucrerie nostalgique réac et poseuse, mistral gagnant turinois, vent dans les cheveux et grandes phrases en bouche, porté par le porte-feuille bien garni d’EuropaCorp. Souviens-toi de moi, dans la salle d’à côté, joue dans la même division, et achève de nous prouver ce que l’on redoutait: le cinéma italien est malade de son époque. Culpabilisé par sa situation politique, figé de petite-bourgeoisie, mélancolique, il fleure la guimauve à cent mètres. Gabriele Muccino, porte-étendard de cette veine empesée depuis l’inattendu succès de son pénible Juste un baiser, continue son exploration sans génie de l’Italie chancelante. Empilant les clichés jusqu’à l’épuisement (crise de la quarantaine, artistes maudits et torturés, starlette couchant pour réussir, famille je vous hais, etc.), tirant sur la corde du surjeu (Laura Morante tremblote et plisse le menton, Nicoletta Romanoff mise tout sur son joli nombril, Monica Bellucci ne fait rien), noyant ses mouvements de caméras amples et ses images onctueuses dans des musiques de supermarché, Muccino joue de nouveau la carte du tire-larme pour magazine féminin. Mais à force d’user du kleenex, Souviens-toi de moi et son heure cinquante-huit de Françoise Hardy ("Aujourd'hui tu ballottes/Dans des eaux moins tranquilles/Tu t'acharnes et tu flottes/Mais l'amour, où est-il?") ne tardent pas à tourner en rond.

"L’AMBITION A DES LOIS/L’AMBITION EST UN CULTE"

Au-delà de cet échec artistique (chromos épuisants, acteurs mal dirigés, satire de bas étage), Souviens-toi de moi tire son unique intérêt analytique de sa dangerosité de contenu. A soulever des problèmes sans jamais prendre clairement position, Muccino se fait le chantre (malgré lui?) d’une idéologie peu glorieuse. En effet, les personnages tels que Muccino et Schleef les ont écrit n’aspirent qu’à la réussite, qu’au paraître, comme unique source de sélection donc d’ascension sociale. Et chacun de clamer sa supériorité à venir, sa grandeur future. Carlo se rêve en écrivain, Giulia en actrice inspirée, Valentina en string souriant télévisé et Paolo en teufeur de premier ordre. La fin justifiant tous les moyens, et la réussite apparaissant comme la seule issue respectable, ce système de pensée semble ici érigé comme modèle. L’ambition ultime étant l’estime de soi lue dans les yeux d’autrui. Le Goût des autres à l’envers. Etrange morale d’un film populaire, se voulant générationnel, promis à une certaine audience, de fait pas aussi innocent qu’il n’y paraît au premier abord. Et qu’on ne se privera pas de rejeter en bloc.

par Guillaume Massart

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