Soldate Jeannette

Soldate Jeannette
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Soldate Jeannette
Autriche, 2013
De Daniel Hoesl
Scénario : Daniel Hoesl
Avec : Johanna Orsini-Rosenberg
Photo : Gerald Kerkletz
Musique : Bettina Köster
Durée : 1h19
Note FilmDeCulte : *****-
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Fanni est lasse de tout, de l'argent, de son appartement, et veut quitter la ville. Anna en a assez des cochons, de sa ferme, et veut quitter sa campagne. Les chemins de l'une et de l'autre vont se croiser...

JE SUIS DANS LA MERDE ET JE VOUS EMMERDE

Lauréat du Festival de Rotterdam, Soldate Jeannette est largement à la hauteur des récentes découvertes du festival néerlandais. Hors norme, excitant et déroutant, Soldate Jeannette est réalisé par un assistant d’Ulrich Seidl, le jeune Daniel Hoesl (lire notre entretien). Et il y a un mix inédit entre le meilleur du cinéma autrichien actuel et le meilleur de son voisin allemand. Au premier, Hoesl emprunte la froideur drolatique, où le rire semble inconvenant et surgit de situations dramatiques. Au second, Hoesl emprunte les thèmes avec cet effacement identitaire, ou encore les décors avec cette fuite en avant dans les bois (dont on ne sort pas dans toute une partie de la production allemande contemporaine). A l’arrivée, un ovni sans pareil.

Soldate Jeannette renferme en lui un joyau brut : Fanni, l’un des personnages de cinéma les plus fascinants qu’on ait vu ces dernières années sur un écran. Fanni, la cinquantaine, se fout de tout, enfile nonchalamment des chaussures en croco dans le magasin chic d’à côté pour aussitôt les jeter la première poubelle venue et trimballe sa poker face à longueur de journée, quelles que soient les nouvelles pourries qui lui giclent au visage. Mais Fanni n’est ni désespérée, ni victime, sa condescendance est flamboyante, sa fierté tenue comme un drapeau. Elle se détache peu à peu de toute trace matérielle. Et quelque chose de violent se joue derrière ce masque. Hoesl parvient à parler de choses violentes sans jamais montrer quoi que ce soit de violent, sans jamais que qui que ce soit ne vienne hausser la voix.

Ce décalage n’est pas la seule curiosité de Soldate Jeannette. Il y a souvent un temps d’adaptation entre ce que Daniel Hoesl filme et le moment où l’on comprend ce qu’il filme : un gros plan de peau nue, une machine de ferme flottant sur des rails, des patates qui roulent. Le personnage de Fanni ou le récit de Soldate Jeannette pourraient être un programme informatique, sans spontanéité, mais ce n'est jamais le cas. Le long métrage ne va pas où on l’attend, est sans cesse étrange, comme ce décrochage en forêt qui donne l’impression d’un épisode à la Projet Blair Witch. Soldate… faiblit un peu lorsqu’apparaît l’autre personnage principal, Anna, qui ne sort pas réellement de l’ombre de Fanni. Presque une illusion, un peu comme la vraie-fausse troisième femme du film de Robert Altman. Et au fond, qui est Soldate Jeannette ? Fanni ou Anna ? Un peu des deux ? Ce n’est pas la seule énigme de ce film ultra prometteur qui fonce droit devant. Ailleurs, Soldate Jeannette aurait été un mélo sur une femme fragile à la dérive. Une petite feuille morte qui vacille. Alors que Soldate... est fort comme un bœuf, comme la masse qui écrase la bagnole dans les derniers plans du film.

par Nicolas Bardot

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