The Smell of Us
États-Unis, 2014
De Larry Clark
Durée : 1h32
Sortie : 14/01/2015
Un groupe de jeunes se retrouve tous les jours au Dôme, derrière le Musée d'Art Moderne de Paris, en face de la tour Eiffel. C'est là où ils dont du skate, s'amusent et se défoncent - à deux pas du monde confiné des arts qu'ils côtoient sans connaître. Deux d'entre eux sont inséparables, liés par leurs vies de famille compliquées. L'ennui, l'appât de l'argent facile et l'anonymat d'Internet, tous ces éléments contribuent à la destruction de leur monde.
(DÉ)GÉNÉRATION
Fin 2010, Larry Clark exposait ses photographies au Musée d’art Moderne de Paris, et c’est parmi les jeunes skaters du 16e, dont le parvis du Palais de Tokyo est le terrain de jeu, qu’il a trouvé l’inspiration pour The Smell of Us. Pas toujours aimé, pas toujours compris, pas toujours distribué en salles, le cinéma de Clark, ses kids paumés façon sexe, drogues et rock’n’roll, a souvent été facilement caricaturé. Est-ce en passant de l’anglais au français que cette image d’Épinal d’une jeunesse mythique et éternelle, qu’on imagine toujours comme forcément américaine, est tombée du mauvais côté de la barrière ? Oui et non, pas seulement. Mais de la première à la dernière minute, The Smell of Us se vautre dans un ridicule cinglant. Si l’on en croit les rares interviews données par les jeunes comédiens, le tournage fut chaotique. Il serait pourtant trop facile de se réfugier derrière les figures trop pratiques du « poète maudit » ou d’une mise en scène « façon guérilla ».
L’œuvre de Clark a souvent été qualifiée de punk, mais encore faut-il savoir ce que l’on place derrière ce mot. Être contre ou différent n’est pas une qualité en soi, et en tout cas ne suffit pas à racheter un film embarrassant d’amateurisme et d’approximations. La liberté poétique des instants captés sur le vif par une caméra en roue libre n’est qu’un cache-misère d’autant plus risible que les moments de grâce en question consistent à filmer en contre-plongée, l’air de rien, une ado qui pisse en pleine rue. Les nombreux plans filmés par des téléphones portables (censés être filmés par les personnages eux-mêmes, mais le scénario non-rigoureux contredit complètement cette piste) ne masquent pas l’absence de la moindre idée de mise en scène. Sur un sujet similaire, la serbe Maja Milos avait réalisé il y a deux ans un film bien plus contemporain, solide et percutant avec Clip. La comparaison entre les deux œuvres ne fait qu’accentuer la ringardise gênante qui envahit ici des scènes complètement à la ramasse par rapport à ce qui se fait en matière de représentation de sexe non-simulé à l’écran (de Nymphomaniac au porno alternatif queer).
Larry Clark se met lui-même en scène, parfois en vieux dégueulasse ou en clochard se pissant littéralement dessus. A l’image de ce masochisme embarrassant, The Smell of Us donne l’impression de nous déverser la dépression de son réalisateur en pleine figure. On se retrouve à subir des personnages inexistants, des dialogues grotesques, un montage remplis de trous, et des acteurs sans charisme face à la caméra, qui ont juste l’air de s’emmerder et passent leur temps à faire la gueule. Michael Pitt passe généreusement dans le champ de la caméra, tandis que Dominique Frot, en totale contre-programmation de sa série Soda, joue sans garde-fou dans une scène suicidaire, où elle délivre malgré elle la réplique la plus symptomatique du film: « mais enfin baisons, puisqu’on s’emmerde. Il ne se passe rien ». Un aveu en forme d’acte manqué ? Peu importe que Larry Clark soit bien plus vieux que ses personnages : cette vision pénible d’une jeunesse fantasmée trop wild serait tout aussi immature si elle avait été imaginée par un gamin (le scénario - visiblement complètement haché par Clark - est d’ailleurs signé d’un jeune français de 21 ans), tant elle se contente d’agiter des clichés sans aucune substance derrière. On imagine mal The Smell of Us parler aux jeunes, il semble plutôt s’adresser aux vieux qui, fascinés par la jeunesse, croient la connaître mieux qu’elle-même. Avec un tel décalage, le film n’a fatalement plus rien de choquant. Malgré tous les efforts faits dans ce sens, The Smell of Us fonctionne tellement en vase clos qu’on y trouve au final moins de subversion que dans le dernier film de François Ozon.