Small Talk
Anu est un tomboy. Mariée jeune (comme le voulait la coutume à Taïwan dans les années 1970), mère de deux enfants, elle a rapidement divorcé de son mari violent et a élevé ses filles seule. Depuis, ses seules relations ont été avec des femmes. Une de ses filles est la cinéaste Hui-Chen Huang, qui fait le portrait intime de sa mère.
PARLE AVEC ELLE
Small Talk vient de remporter le Teddy Award du meilleur documentaire à la Berlinale. Réalisé par la Taïwanaise Huang Hui-Chen et produit par le maître Hou Hsiao-Hsien, Small Talk fait le portrait de la mère de la réalisatrice, lesbienne et androgyne. Small talk : le titre suggère quelques discussions anecdotiques, quelques échanges de politesse – on parle pourtant ici d'un élément fondamental dans la vie de la mère et de sa fille. Et d'un tabou : l'homosexualité de Anu est précisément un sujet dont la famille ne veut pas parler. « C'est inutile de savoir » déclare un oncle, « Je ne sais pas » déclare une tante, avant de brusquement changer de sujet. Small Talk décrit une homophobie insidieuse : celle qui invisibilise et préfère ne pas vous voir. « Il vaut mieux pour certaines choses qu'elles ne soient pas dites », entend-on. Vraiment ?
Le portrait surprenant de Small Talk, c'est pourtant celui d'une héroïne qui s'est épanouie malgré l'influence de la famille et des traditions. Anu a divorcé, a élevé seule ses enfants, et a enchaîné les conquêtes. Aux vieux films familiaux répondent les films d'Anu avec ses différentes amies et maîtresses. C'est très beau, et pourtant en creux la réalisatrice filme une amertume, une violence subie par la mère... ou par la fille. La violence du regard des autres, ou la honte ressentie par les mots employés. Avec délicatesse, les échanges verbaux et les images sont dissociées, créant une élégante et subtile émotion. La forme classique parvient à mettre en valeur la singularité et la liberté d'un formidable personnage.