Etrange Festival: The Sion Sono
Réalisé parallèlement au tournage de The Whispering Star par Arata Oshima (fils de Nagisa Oshima, et déjà auteur d’un film sur l’écrivain et acteur Juro Kara), The Sono Sion est un portrait en forme de puzzle où s’entrecroisent collaborateurs et intimes du cinéaste.
L'ART D'ÊTRE SONO SION
The Sion Sono : le titre du documentaire consacré au cinéaste culte japonais manque un peu de modestie (imaginez les commotions cérébrales des haters d'un Xavier Dolan si un pareil doc lui était consacré), mais il y aussi évidemment un peu de malice dans ce choix. Lorsque Sono Sion se fait reconduire par la police lors d'une performance en public et qu'un de ses camarades lance « Il est célèbre! », sa célébrité semble assez relative alors qu'il se trouve écrasé sous une affiche géante de la popstar Namie Amuro. Ce The se justifie également car le portrait (réalisé par Arata Oshima, fils de) est celui d'une personnalité et d'un artiste pas banals.
The Sion Sono livre rapidement l'une de ses clefs avec cette scène où la caméra suit le cinéaste faire une démonstration de peinture. « Est-ce bon ou mauvais? », demande t-il à son interlocuteur en le baladant là où il veut. La vraie question n'est pas là : sur la toile, c'est un besoin viscéral de créer qui gicle et peinturlure, sans se soucier des conventions, sans chercher d'approbation. Cette attitude libre, poétique et punk se retrouve évidemment dans son bouillonnant cinéma et notamment dans son approche stakhanoviste et boulimique. Le cinéaste va vite, comme il exécute promptement un storyboard pour The Whispering Star, le long métrage de SF inspiré par Fukushima qu'il tournait au moment de la préparation du documentaire. Il n'est pas tant question d'être brouillon que d'être porté par le sentiment d'urgence qui caractérise bon nombre de ses films.
The Sion Sono propose également un portrait intime, interrogeant ses proches comme Megumi Kagurazaka, sa compagne et sa muse (dont la réserve de femme au foyer modèle tranche avec ses interprétations enflammées) ou la sœur du cinéaste, revenant à l'occasion sur ses lectures de jeunesse et premières critiques de cinéma. The Sion Sono investit également l'installation conçue autour de The Whispering Star : cinéaste, poète, peintre, plasticien, dans quelle case mettre Sono Sion ? C'est la question que se pose le réalisateur, évoquant d'autres cinéastes comme Naomi Kawase ou Hirokazu Kore-Eda appartenant à un cinéma « littérature », catégorie floue dans laquelle il met également (et avec admiration) Lars Von Trier – le cinéma d'auteur ? Ou « cannois », comme on le glisse pour ses deux compatriotes ? C'est l'occasion en tout cas de glisser un petit tacle à Yuya Ishii, réalisateur de The Great Passage et chéri en carton de la presse nippone découvert avec la fadasserie nunuche Sawako Decides. Le cinéma de Sono Sion, lui, ne carbure pas à la flotte. On aurait aimé que le doc ait plus de caractère, un point de vue plus fort, mais la personnalité à part de l'artiste déborde suffisamment à l'écran.