Silence (Le)

Silence (Le)
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Silence (Le)
France, 2004
De Orso Miret
Scénario : Roger Bohbot, Orso Miret, Agnès de Sacy
Avec : Mathieu Demy, Angèle Massei, Pierre-Marie Mosconi, Natacha Régnier, Muriel Solvay, Thierry de Peretti
Durée : 1h57
Sortie : 29/12/2004
Note FilmDeCulte : ****--

Olivier, jeune homme d'origine corse, est en vacances dans l'Île de Beauté avec sa compagne enceinte de trois mois. Témoin involontaire d'un meurtre exécuté par l'un de ses compagnons de chasse, personnalité forte du village. Il préfère se plier à la loi du silence plutôt que de révéler ce retentissant secret…

QUI VA A LA CHASSE

Depuis que Natacha Régnier s'est décidée à se relancer à corps perdu dans le cinéma, surfant allègrement entre des projets de tous horizons (fantaisie d'auteur mi-figue mi-raisin avec le Demain on déménage d’Akerman, premier long prometteur en le Vert Paradis de Bourdieu, film limite avant-gardiste avec l’hilarant Pont des Arts de Green, etc.), on n'en finit plus de s'enthousiasmer pour une carrière d'une richesse et d'une diversité thématiques rares. Nouvelle pierre à cet édifice hétéroclite, le déroutant Silence, deuxième long métrage d'Orso Miret, n’est pas la moindre. C’est pourtant ici sur Mathieu Demy qu’il convient d’attirer l’attention – mais chaque chose en son temps. Issu de la même promo FEMIS que Pierre-Erwan Guillaume (dont l’intrigant Ennemi naturel est sorti le 8 décembre dernier), Jean-Paul Civeyrac (Le Doux Amour des hommes) et Hélène Angel (Rencontre avec le Dragon), Miret partage avec ses petits camarades de récréation un même souci d’écriture visuelle, nimbée d’une douce étrangeté. Soit un sujet graphiquement fort, la chasse, en des lieux insulaires cinégéniques en diable, la Corse. Et, là-dessus, un défilé d’acteurs aux profils complexes et immédiatement attachants.

CARNE

On sait depuis l’anti-franquiste Caza de Carlos Saura combien les battues viriles en campagne hostile peuvent, sous le prisme déformant de l’objectif, devenir les fascinants maillons d’un filet psychologique et politique redoutable d’acuité. Miret, dont l’imagerie, pourtant novice, impressionne d’évidence, exploite son matériau au mieux. Dégoût de l’œil sur les chairs putréfiables versus vertige de la main qui donne la mort; du cuissot de sanglier, barbaque sanguinolente empestant la cave, à l’ahurissante danse d’agonie de la bête écumant sous le plomb… Le raccourci peut paraître élémentaire. Il est avant tout d’une efficacité brute. C’est en effet dans ses envolées sauvages, primitives, que l’art naissant de Miret se présente sous sa meilleure forme. Les poses affectées des rêves tarkovskiens en un noir et blanc censément poétique sont plus dispensables. Le drame psychologique, mâtiné de loi du silence en Île de Beauté muette, ne vaut vraiment que lorsqu’il se pare des atours de l’actioner insulaire qu’est en réalité Le Silence. Mathieu Demy en témoigne: lui en qui l’on n’avait jamais vu que le lunaire, l’éternel adolescent mélancolique, n’a jamais été aussi bon (à part peut-être dans le méconnu Banqueroute) qu’en mari bourru en prise à l’animalité. Régnier, yeux de biche, en est la proie consentante. Et le film de même.

par Guillaume Massart

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