Shutter island
États-Unis, 2009
De Martin Scorsese
Scénario : Laeta Kalogridis d'après le roman de Dennis Lehane
Avec : Patricia Clarkson, Leonardo DiCaprio, Ben Kingsley, Emily Mortimer, Mark Ruffalo, Max Von Sydow, Michelle Williams
Photo : Robert Richardson
Durée : 2h17
Sortie : 24/02/2010
1954. Teddy Daniels et Chuck Aule enquêtent sur la disparition d'une patiente échappée d'un hôpital psychiatrique à sécurité maximale. L'hôpital en question est basé sur Shutter Island, une île située à environ une heure au large de Boston.
MARTIN SCORE PAS
D'aucuns argumenteront que le dernier opus de Martin Scorsese, adapté d'un roman de Dennis Lehane (Mystic River, Gone Baby Gone), ne s'appuie pas sur son final twist. Que le scénario ne cherche pas à brouiller les pistes et affiche ses indices, et que l'intérêt réside dans le parcours du protagoniste plutôt que dans la résolution de l'intrigue. Si certains y trouvent là leur vérité, c'est bien le seul salut d'un film qui, pour les autres, apparaîtra comme un bel exercice de style s'embourbant malheureusement trop souvent dans le classicisme de son enquête. Dès son pitch, le dénouement de Shutter Island paraît évident. Au bout de dix minutes de film, une réplique spécifique d'un personnage secondaire donne presque littéralement la réponse. Et le reste du récit de se dérouler sans grande surprise, enchevêtrant une à une les pièces du puzzle dans l'esprit des spectateurs les moins dupes. Dire que le film est du coup totalement dénué d'intérêt serait toutefois un mensonge éhonté. On se demande par moments pourquoi Scorsese est venu signer cette série B. Tout auteur est certes libre de s'octroyer une petite récréation de temps en temps mais ce genre d'escapade ne réussit pas vraiment au cinéaste qui signe ici son film le plus faible depuis Les Nerfs à vif, déjà une série B en hommage. On retrouve l'ombre de Hitchcock une fois de plus, et Scorsese cite Le Procès d'Orson Welles ainsi que Shock Corridor de Samuel Fuller comme références pour son dernier ouvrage. Cependant, les films de Scorsese où le réalisateur singe ses modèles, comme New York, New York, sont rarement les plus intéressants. D'un point de vue thématique, le fait de choisir une histoire située durant la Guerre Froide est plutôt pertinent pour Scorsese qui peut s'y donner alors à coeur joie dans le domaine de la paranoïa, obsession de l'auteur. Les séquences les plus séduisantes et les plus marquantes de cet essai témoignent donc de cet aspect de l'intrigue, lorsque le film embrasse pleinement sa nature de film d'horreur. Il y a tout d'abord a tension avec laquelle est mise en scène l'arrivée sur l'île, véritable personnage du film, mais ce que l'on retient surtout, ce sont les scènes de flashbacks et les rêves qui hantent le personnage incarné par Leonardo DiCaprio (une fois de plus très bien employé par son réalisateur fétiche). La manière dont le scénario et surtout la mise en scène exploitent l'imagerie de la Seconde Guerre Mondiale offre quelques instants réellement inventifs, formellement classieux, qui viennent sortir par intermittences le récit de son enquête balisée. Dommage que le reste se fasse plus banal, sur plus de deux heures de film, ça ne pardonne pas.