Seven Swords
Qi jian
, 2005
De Hark Tsui
Scénario : Chi-Sing Cheung, Chun Tin-Nam, Hark Tsui
Avec : Liu Chia-Liang, Leon Lai, Dai Liwu, Kim So-yeon, Donnie Yen, Charlie Young
Durée : 2h30
Sortie : 30/11/2005
1660. La Mandchourie annexe la Chine pour y installer la dynastie Qing. A la suite des multiples insurrections contre le gouvernement, ce dernier interdit l'étude et l'exercice des arts martiaux afin de maintenir l'ordre et la discipline dans le pays.
DE BRUIT ET DE FUREUR
Tombé dans une impasse thématique et formelle avec Black Mask 2, son pire long métrage, imitation grotesque des films de super-héros américain où un guerrier masqué affrontait des catcheurs transgéniques, Tsui Hark décide de revenir à son amour de jeunesse, le wu xia pian. Son ambition est double: répondre aux faussaires Ang Lee (Tigre et Dragon jugé trop occidental) et Zhang Yimou (Hero et Le Secret des poignards volants), et ressusciter la foi d'un cinéma artisanal dépourvu de toute assistance informatique. Tsui Hark avait déjà soufflé sur les braises d'un genre moribond dans les années 90. Chef-d'œuvre baroque à la puissance graphique unique, The Blade n'avait pas, alors, rencontré le succès public escompté. Trop violent. Trop jusqu'en-boutiste. Trop en avance sur son temps. Comme souvent avec l'auteur de Legend of Zu, le projet devint vite démesuré. Une première version de quatre heures fut envisagée un premier temps, ainsi qu'une série revenant sur chacun des personnages. Autre idée magnifique mais qui, du propre aveu de Tsui, fut une erreur logistique, Seven Swords fut entièrement tourné en décors naturels, sur les lieux même de l'intrigue. Cet attachement à la terre, au réel, ce désir de retrouver une certaine pureté, contaminent bien évidemment le résultat final, plus proche de la fureur palpable d'un Conan le Barbare de John Milius, que de la fantaisie virtuelle (mais magnifique aussi) du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson.
SAUVAGE ET BEAU
Attaché à la culture chinoise, sans pour autant être un nationaliste, Tsui Hark s'inscrit volontiers dans la grande tradition du genre. Dès l'introduction magistrale dans les neiges du Mont Tian, Seven Swords s'érige comme le chaînon manquant entre le cinéma spirituel de King Hu (on pense souvent à A Touch of Zen) et la filmographie brutale de Chang Cheh. Le casting affine encore cet hommage, le rôle du vieux guerrier repenti a été confié à l'illustre Lau Kar-Leung (alias Liu Chia-Liang), chorégraphe de génie des années 70, metteur en scène culte à qui l'on doit La 36ème Chambre de Shaolin. Alors qu'importe si la version présentée au cinéma est souvent confuse, de par les nombreuses ellipses propres au roman de chevalerie chinois et les aléas de l'imagination toujours aussi féconde et incontrôlable du réalisateur-producteur-scénariste Tsui Hark. Seven Swords contient de la vie, du nerf et de la passion. Les séquences survoltées et exaltantes (le combat final filmé comme une calligraphie, l'attaque du camp de Ravage) succèdent à des moments de grâce inouïe (l'abandon des chevaux, la scène d'amour). Tsui Hark parvient à créer une mythologie autour de ses personnages et de leurs armes. Toujours aussi énergique, sa mise en scène donne au film un souffle unique et le final cut longue durée restera à l'état de fantasme ultime.
NO PASARAN
Réduire Seven Swords à un grand film d'aventure décérébré serait une injure pour un cinéaste aussi intelligent que Tsui Hark. De L'Enfer des armes, illustration nihiliste d'une jeunesse sans repère gangrenée par la violence, à Il était une fois en Chine, manifeste explicite pour la démocratie, le metteur en scène visionnaire a toujours évoqué la situation sociale et politique de son pays. Seven Swords ne déroge pas à la règle. Les héros du film critiquent vertement la politique d'un empereur liberticide, un pouvoir central qui n'a aucune conscience des réalités et délègue son autorité à des chefs de clan locaux. Le parallèle avec le gouvernement communiste n'est nullement fortuit... Tsui Hark prône même la prise des armes, y compris par les pacifistes, pour lutter contre les abus autoritaires. Là encore, il semble s'opposer frontalement à l'idéologie développée dans Hero de Zhang Yimou. Alors que ce dernier défendait l'idée du sacrifice d'une partie de la population pour le bien commun, et la nécessité d'un guide fort pour unifier la nation, Tsui Hark, au contraire, tient un discours différent. Dans Seven Swords, l'étrangère coréenne n'est pas la traîtresse attendue, les villageois refusent de respecter les édits de l'Empereur. Pour l'auteur de The Lovers, la liberté de pratiquer un art martial, de se déplacer ou tout simplement de créer est un droit incompressible.