Les Secrets des autres
Grief of Others (The)
États-Unis, 2015
De Patrick Wang
Scénario : Patrick Wang
Durée : 1h43
Sortie : 26/08/2015
L'histoire d’une famille hantée par un destin tragique. Une visite inattendue va à la fois rouvrir des blessures enfouies, et offrir une voie de sortie à ce deuil irrésolu.
Y A DES SILENCES QUI DISENT BEAUCOUP
Patrick Wang s’était fait repéré l’an dernier avec In the Family, un drame sobre (jusqu’à l’ascétisme) sur une famille homoparentale déjà en deuil. Dans Les Secrets des autres, la famille est cinématographiquement plus conventionnelle, elle correspond même complètement à la formule classique et connue du cinéma indépendant américain (propice à la comédie comme au drame) : la famille recomposée dysfonctionnelle où chaque membre a ses problèmes et son histoire, et où les enfants apprennent aux parents à communiquer. On retrouve ici le rythme particulier d’In the Family, mais le goût de Wang pour le silence donne ici lieu, non plus à de longues scènes muettes, mais à une place centrale laissée au non-dit. Ce qui se traduit de deux manières.
Tout d’abord le film charme par son sens de l’ellipse, obéissant à une structure temporelle éclatée qui, sans être originale, donne un relief de puzzle à ces secrets de famille. Parfois une scène s’arrête, reprend plus loin, laisse place à une autre scène qui déboule comme un souvenir refoulé. Les images vont jusqu’à se superposer, le son d’une scène est lancé sur des images provenant d’une autre séquence. Mais ce jeu-là reste ponctuel et sage. Et le non-dit trouve aussi tout son sens dans les nombreuses scènes de discussions, tellement récurrentes qu’on croirait le film adapté d’une pièce de théâtre et non d’un roman. C’est sur ce plan-là que Les Secrets des autres se révèle hélas un peu banal. Le film combine des facilités propres au cinéma indé et au théâtre indé américain, notamment la manière qu’ont les personnages de déclarer leurs sentiments comme des notes d’intention, ou d’avoir des mini-épiphanies à chaque dialogue à force de sous-entendus silencieux et de révélation en sourdine. Ce que ces tics d’écriture voudraient nous faire passer pour du réalisme obéit à une manière de parler trop pratique pour être crédible, et ne ressemble finalement jamais à la réalité.
Wang sait pourtant être plus fin que certains de ses compatriotes contemporains, et certaines de ses scènes touchent juste. Mais à force vouloir filmer et retranscrire la grâce à travers chaque personnage et chaque sous-intrigue (un baiser incestueux volé, la passion secrète d’une vie entière cachée dans un placard, une révélation maternelle trop lourde à faire…), le film finit par lui-même manquer de légèreté (d’humour ?). Il manque peut-être l’équivalent du bel effet de surprise du troisième acte d’In the Family, qui venait projeter une nouvelle lumière sur l’ensemble. Si Le Secret des autres est plus convenu, cela ne doit pas non plus faire oublier qu’il est plus accessible, et qu’il possède suffisamment de qualités pour plaire aux amateurs de découvertes américaines.