Secret des poignards volants (Le)
Shi Mian Mai Fu
Chine, République populaire de, 2004
De Zhang Yimou
Scénario : Li Feng, Teddy Robin Kwan, Zhang Yimou
Avec : Song Dandan, Takeshi Kaneshiro, Andy Lau, Anita Mui, Ziyi Zhang
Durée : 1h53
Sortie : 17/11/2004
Dans la Chine médiévale, la dynastie Tang vacille sous la corruption. Un groupe d’opposants nommé la Maison des Poignards Volants combat le régime. Deux policiers montent un stratagème pour piéger et pister la fille aveugle de leur ancien chef assassiné.
TIGRES VOLANTS
Second film de sabre d’affilée pour Zhang Yimou, Le Secret des poignards volants s’impose d’emblée comme une œuvre de divertissement de haute volée. Après le superbe mais controversé Hero, le réalisateur a décidé d’explorer plus profondément le genre et l’idée esthétique qui sous-tendait l'ouvrage précédent. Ici, dans une composition de couleurs vives, tout est prétexte à exacerber estampes poétiques, figures de style, images symboliques, courageuses actions et amour éternel. De plus, les Poignards volants parviennent à s’éloigner de son prédécesseur – considéré comme un galop d’essai par son réalisateur – en prenant son contre-pied thématique. Là où Hero exaltait la ferveur patriotique au-delà des désirs personnels, Le Secret des poignards volants loue l’amour qui transcende les idéaux. Aussi, plutôt que de multiplier les rôles et les figurants armés, Zhang Yimou a décidé de centrer son intrigue sur trois personnages. Le scénario a été aussi conçu différemment. Plutôt que de redoubler de points de vue sur un seul événement, dans la lignée de Rashomon, l’histoire se fait linéaire mais autrement plus complexe. Elle ajoute au fil de la narration de multiples niveaux de complexité, brouillant les motivations, déroutant les pistes. A l’instar d’un Tigre et dragon, Le Secret des poignards volants passe en revue les archétypes du Wu Xia Pian, rendant hommage à ses prédécesseurs au détour de scènes retrouvées ça et là. A l’image d’une séquence de bain où le "ravisseur" de Zhang Ziyi s'éloigne en frappant son épée. Ces images, ces principes communs du genre deviennent ici renouvelés, réinventés et réappropriés par le réalisateur de Vivre.
DANCER IN THE DARK
Outre la mise en scène inspirée de Zhang Yimou, les Poignards volants connaissent un autre atout majeur; la sublime Zhang Ziyi. Après être restée au second plan dans Hero, Zhang Yimou lui offre le rôle central du triangle amoureux du film. Son interprétation d’une courtisane aveugle et danseuse remarquable – utilisant le talent initial de l’actrice – lui permet de dévoiler l’étendue de son charisme. Jeune fille diaphane, manipulatrice, elle s’illustre dès sa première scène dans la déjà culte Danse de l’Echo, morceau de bravoure esthétique et chorégraphié au millimètre. Exploration remarquable des sens du toucher et de l’ouïe, la scène crée un espace sonore et tactile au centre des riches décors d’une maison close. Par la suite, Zhang Yimou ne cessera de chercher à magnifier son actrice en la plaçant au centre de scènes-écrins propres à produire des images oniriques, cadres et flacons de l’ivresse de sa splendeur. En témoigne la magnifique poursuite entre les bambous ou ces plaines nimbées d’une neige redéfinissant l’espace ouvert comme un vase clos. Filmé principalement en dehors de la Chine – le réalisateur peinait à trouver des paysages intouchés dans son propre pays – et décentralisé en Europe de l’Est, Le Secret des poignards volants trouve une unité artistique malgré une esthétique parfois lourde et chargée. Se voulant tributaire d’une nouvelle tradition de films de sabres chinois, mêlant numérique et chorégraphies orthodoxes de l’Histoire, Zhang Yimou se détache de l’étrange morale politique qui entachait son Hero. Son film est avant tout un produit de consommation de masse, mais n’en demeure pas moins fort plaisant, situé à quelques encablures du Seigneur des Anneaux, ses images et ses interprètes enveloppant l’œil avec une sublime poésie visuelle.