Secret de Baran (Le)
Baran
Iran, 2001
De Majid Majidi
Scénario : Majid Majidi
Avec : Hossein Abedini, Zahra Bahrami, Hossein Mahjoub
Durée : 1h36
Sortie : 16/06/2004
Lateef, jeune ouvrier iranien, travaille comme cuisinier sur le chantier de Memar, à Téhéran, collaborant indifféremment avec Iraniens et réfugiés Afghans, et ce au mépris total de la loi. Arrive un jour Rahmat, jeune et frêle adolescent afghan, qui lui vole sa place. D’abord jaloux, Lateef découvre par hasard le secret de Rahmat, dont le vrai nom, féminin, est Baran.
VAGUEMENT NOUVELLE
Le paradoxe du cinéma iranien tient en ce que son inspiration et ses limites tendent de plus en plus à se confondre. La censure et la dictature religieuse, poumons de la cinématographie nationale, qui ont suscité des œuvres aussi fortes que celles du grand Kiarostami, du classique Jalili ou encore, avec toutefois quelques réserves, de la famille Makhmalbaf, s’avèrent aussi, et c’est malheureusement logique, boucher intégralement l’horizon du pays. Lorsque, il y a quatre mois, est sorti le formidable Examen de Nasser Refaie, nous avions souligné le parallèle possible entre la situation du septième art persan et celle de l’Europe, et notamment de la Pologne, à l’orée des années 60. Seulement, force est de constater que, à quelques exceptions notables près, cette "nouvelle nouvelle vague" présente de sérieux indices d’essoufflement. Le nouveau cinéma iranien, à l’histoire boitillante (florissante, en 1969, avec l’emblématique The Cow de Daniush Mehrjui, moribonde après la révolution islamique de 1979, la cinématographie persane a repris du poil de la bête depuis 1997), ne sent justement plus tellement le neuf. Les schémas narratifs sont aujourd’hui connus et ostensiblement tracés (apologues métaphoriques mettant souvent en scène des enfants ou des femmes) et rares sont ceux qui, comme Kiarostami, empruntent encore des sentiers détournés. Après les touchantes paraboles semble donc s’annoncer le règne des allégories lourdes et sur-signifiées, dans le sillage d’Un Jour de plus de Babak Payami, et le mouvement de renouveau se métamorphose tranquillement, contradiction suprême, en nouveau cinéma de papa.
BURQA ET GROS SABOTS
Aussi, lorsque s’ouvre Le Secret de Baran, est-on agréablement surpris de se retrouver plongé dans un milieu d’hommes, brut, moite et sans ambages. La première partie du film de Majid Majidi pourrait en effet prendre place presque partout où l’on trouve des chantiers et des problèmes d’immigration – entendez en Occident. Avec un souci appliqué de rendre compte des problèmes physiques et moraux, en somme humains, d’un échafaudage, au sens propre comme figuré, de personnalités diverses prises dans la toile d’un système politique intolérant, répressif et suspicieux, Majidi se rapproche étonnamment d’une certaine frange universaliste du cinéma britannique, par exemple, dans sa veine thatchériste, façon Ken Loach. Et les acteurs non-professionnels de restituer une vérité sociale de rixes et d’amitiés viriles, de conditions de travail contraignantes et de paternalisme patronal… Malheureusement, cette bonne surprise ne tient pas la distance et l’intérêt s’étiole dans une deuxième partie renouant avec les mauvaises habitudes pesantes et balisées d’un cinéma de la fable et de la morale. La rigueur naturaliste cède la place à une tentation de carte postale chromo (coutumes et labeurs des femmes, innocence brimée des enfants) destinée à l’export, ainsi qu’à un symbolisme en gros sabots, chargé de ralentis et d’ombres chinoises, sur une trame homosexuelle mal assumée. Jusqu’à un dernier plan d’une gravité accessoire sur un visage barré des maillages épais d’une burqa. Dommage, on avait cru voir venir quelque subtilité.