Secret Sunshine
Milyang
Corée du Sud, 2007
De Lee Chang-dong
Scénario : Lee Chang-dong
Avec : Song Kang-ho
Durée : 2h30
Sortie : 17/10/2007
FESTIVAL DE CANNES 2007 - Après la mort de son mari, Shi-ae décide d'aller vivre dans le village natal de celui-ci afin d'élever son fils. Elle y donne des cours de piano mais ne parvient malgré tout pas à s'adapter à son nouveau lieu de vie. Auprès de Kim Jong-chan, un mécanicien, elle trouve un peu de réconfort.
LES FLEURS DU MAL
Ceinte de murailles, l’héroïne de Secret Sunshine passe son temps à s’enfuir. Le réalisateur Lee Chang-dong suit son trajet cyclique en déni de deuil, son échappée spatiale (retourner au village natal de feu son époux comme il le souhaitait de son vivant, du moins le prétend-elle) ou son refuge religieux (illumination protestante soudaine comme l’éclair déchire la nuit la plus noire) pour supporter tant bien que mal l’insupportable. La pharmacienne d’en bas le lui a promis, ce rayonnement secret prodigué par le tout-puissant. Mais comment vivre avec une plaie béante, quand le retour au bercail idyllique, quitter les ombres de Séoul pour un village sous le soleil, n’est finalement qu’un pas de plus vers l’enfer? Avec l’acrobatique Oasis, film sublimissime où le cinéaste se défaisait avec une maestria inouïe d’un argument mélodramatique immangeable (l’histoire d’amour, envers et contre tous, d’une handicapée physique et du simplet du coin), Lee Chang-dong retombait déjà sur ses pattes. Et réédite pratiquement le même exploit avec Secret Sunshine.
LA COLERE DE DIEU
Lee Chang-dong donne tout à son personnage principal, désireuse de porter un costume de sainte trop grand pour elle. La révélation métaphysique, cette crise de foi subite, n’est qu’ânonnée, comme les petites élèves de Shin-ae, scolaires, bredouillent leurs quelques notes sur leur piano. Une leçon bien apprise, mais juste une leçon, malgré toute la bonne volonté du monde. Le réveil n’en est que plus cruel, pour cette femme habitée par une rage à renverser les églises, y tambouriner sa douleur et mettre son silence en lambeaux, ou ridiculiser les processions spirituelles de troupeaux en hackant la playlist du bon Dieu. Dans Secret Sunshine, toutes les questions du ciel sont ramenées à leur pesanteur, pieds humains collés au sol, même si cette terre-là les dégoûte. Cette terre, ou cette société qui, comme dans Oasis, est si prompte à écarter la brebis galeuse de la photo de famille modèle, voir la séquence puissante où Shin-ae est agonie d’injures par la grand-mère qui lui reproche de ne pas verser de larmes.
SOLEIL TROMPEUR
Ce qui fait la grâce du mélodrame chez le réalisateur coréen, ancien Ministre de la Culture, c’est ce refoulement à l’émotion, cette douceur mélangée à une incroyable cruauté. Ici dans l’acharnement déraisonné d’un personnage bouleversant, orpheline faiblement portée par cette soi-disant lumière intérieure, cet ensoleillement secret fait de toutes les contradictions (la scène où Shin-ae, vertueuse consacrée, regarde une gamine se faire maltraiter sans réagir) et de toutes les trahisons (le tueur qui déclare avoir été pardonné par Dieu, celui-là même qui l’a abandonnée elle). L’ensoleillement n’est vu qu’à travers un pare-brise et Shin-ae (stupéfiante Jeon Do-yeon) devra s’y faire. Lee Chang-dong a un sens flamboyant du mélo et malgré des problèmes de gestion dans le tempo de ses différents segments, accouche d’un résultat admirable, dans son refus du sentimentalisme (le dénouement, sans épaule offerte mais... un miroir) et son ironie tragique. Ce Secret Sunshine avait en tout cas les larges épaules pour une belle Palme d’or.