Sea Fog - Les Clandestins
Haemoo
Corée du Sud, 2014
De Sung-Bo Shim
Scénario : Bong Joon-Ho, Sung-Bo Shim
Durée : 1h51
Sortie : 01/04/2015
Capitaine d’un bateau de pêche menacé d’être vendu par son propriétaire, Kang décide de racheter lui-même le navire pour sauvegarder son poste et son équipage. Mais la pêche est insuffisante, et l’argent vient à manquer. En désespoir de cause, il accepte de transporter des clandestins venus de Chine. Lors d’une nuit de tempête, tout va basculer et la traversée se transformer en véritable cauchemar…
LE VAISSEAU DE L'ANGOISSE
Qu'est-ce qui fait courir le cinéma coréen ? Plus précisément, comment un premier long métrage comme Sea Fog peut paraître plus maîtrisé et accompli que bien des films de réalisateurs chevronnés chez nous ? Sea Fog symbolise à lui-seul une sorte de petit miracle à la Coréenne, celle d'une cinématographie capable de produire des films à la fois grand public, populaires, et artistiquement ambitieux. Pour être tout à fait honnête, le réalisateur Shim Sung-Bo (lire notre entretien) n'est pas un total inconnu: il a participé activement à la résurrection au tournant du XXIe siècle du cinéma coréen en co-scénarisant Memories of Murder, le thriller réalisé par Bong Joon-Ho. On n'a plus eu de nouvelles de lui depuis alors que Bong s'est affirmé comme l'un des filmeurs les plus doués au monde, quel que soit le registre. Avec Sea Fog, Bong Joon-Ho rend la pareille en co-signant le scénario et en produisant le long métrage cette fois dirigé par Shim.
Sea Fog s'inspire d'une pièce de théâtre, elle-même inspirée d'un fait divers. L'écriture riche et ample, la mise en scène dynamique et assurée font rapidement oublier les racines théâtrales ou les risques du film inspiré de faits réels où l'authenticité proclamée d'un drame sert souvent de cache-sexe au manque de personnalité. Marque de fabrique d'un certain cinéma coréen, notamment le plus populaire, Shim sait varier les tons comme un équilibriste. Comment marier en un film l'humour et l'horreur ? Inviter la romance et le propos social sans qu'on ne distingue les agrafes de différents genres reliés entre eux ? On ne connait pas la recette magique mais chaque registre dans Sea Fog nourrit l'autre, rend le film plus vivant, nous transporte sur le bateau, en pleine dérive au bout de l'enfer. Cette perfection de l'écriture telle une enfilade de triple lutz par une patineuse coréenne impressionne. Le scénario d'Sea Fog est plein de ressources et ne tombe jamais en panne. On ne vous dévoilera évidemment pas ce qui fait basculer le long métrage, mais l'absence cash de sentimentalisme tout comme le sens rare du pathétique font d'Sea Fog un film puissant, poignant qui ne semble actuellement possible à produire qu'en Corée.