Salomé
Espagne, 2002
De Carlos Saura
Scénario : Carlos Saura
Avec : Pere Arquillué, Aida Gomez, Paco Mora, Javier Toca, Carmen Villena
Photo : José Louis Lopez-Linares
Durée : 1h25
Sortie : 18/12/2002
Aida Gomez répète un nouveau ballet qui retracera l'histoire de Salomé. Des répétitions au choix des costumes, le film nous entraîne peu à peu vers la pièce dansée.
Ni une captation de spectacle, ni un documentaire sur la danse, Salomé appartient de par son processus de création et son esthétique à ce genre particulier qu'est la vidéo-danse. En 2001, la danseuse étoile Aida Gomez quitte la direction du Ballet National d'Espagne (l'équivalent espagnol de l'école de l'Opéra de Paris), suite à des conflits quant à ses choix chorégraphiques jugés trop modernes. Elle qui avait toujours rêvé de mélanger le flamenco (son premier amour d'enfance) et la danse classique espagnole en mettant en scène une des grandes histoires de l'antiquité méditerranéenne, elle se trouvait enfin libre de toute contrainte. Elle contacte alors Carlos Saura pour qu'il réalise une captation de sa nouvelle pièce Salomé. Celui-ci, grand habitué des films musicaux, lui propose d'en faire une œuvre de fiction qui mettrait en scène le processus de création puis la pièce en elle-même. Le résultat est stupéfiant.
Le film gagne toute sa saveur dans cette division en deux parties qui se font écho. La première, filmée en vidéo professionnelle, donne à voir les répétitions, les choix de la musique, des décors et des costumes en alternant courtes interviews et scènes anecdotiques. Le tout, savamment structuré par un montage sobre et limpide, construit la trame de fond de l'œuvre. Dans la seconde, Carlos Saura nous transporte dans un univers de danse aux couleurs chaudes. Mélangeant avec délicatesse les jeux de lumière, d'ombre et de reflet, il met en évidence les courbes et volutes que dessinent les corps cambrés des danseuses de flamenco. Transcendées par l'utilisation du 35 millimètres, les images qui en ressortent sont d'une rare beauté lumineuse. Le montage est ici aussi exemplaire. Exercice périlleux lorsque l'on filme de la danse, Carlos Saura alterne avec virtuosité tous les styles de plan sans un seul faux raccord. A travers son objectif, il capte, suggère, sculpte et dissèque les mouvements.
Alliant parfaitement le flamenco à la danse classique espagnole, la chorégraphie de Aida Gomez est résolument contemporaine. Tout en respectant la grande tradition du flamenco en gardant ses accents, ses pauses langoureuses, ses attitudes, ses cambrés, ses tours rapides, elle utilise des éléments typiques de la danse moderne et néoclassique comme le porté final de Salomé, les pas de deux ou encore la structure des corps de ballet. Le tout est servi par de magnifiques danseurs. Issus de grandes écoles classiques, leurs mouvements sont justes et d'une grande pureté. Au final, ce film est un immense plaisir visuel, résultat de la maîtrise parfaite de ses créateurs et interprètes.
En savoir plus
L'histoire de Salomé
Personnage du Nouveau Testament, Salomé était une princesse juive, fille d'Hérode Philippe et d'Hérodiade (Hérodias). Dans son évangile, Saint Mathieu raconte comment elle a fait exécuter Saint Jean-Baptiste. Ce dernier était allé reprocher à Hérode Antipas (roi des Juifs et tétrarque de Galilée et de Perée) sa conduite adultère avec Hérodiade, la femme de son frère. Pris de colère, le souverain fit enfermer le prophète dans la prison de Machéronte, mais hésitait à le faire exécuter à cause de sa popularité. Quelques mois plus tard, lors de l'anniversaire de son oncle et nouveau beau-père, Salomé exécuta pour lui une danse envoûtante. Sous le charme et sous l'emprise du vin, le roi jura de lui donner ce qu'elle demanderait. Conseillée par sa mère, qui n'avait pas pardonné à Jean Baptiste et qui attendait l'occasion de se venger, Salomé demanda qu'on lui apporte sur un plateau d'argent la tête du prophète. Obligé par son serment, Hérode ordonna qu'on lui coupe la tête.
Vidéo-danse
Le terme de vidéo-danse regroupe d'une manière stricte toutes les œuvres dansées de fiction, destinées à être filmées pour la vidéo ou dans certains cas le cinéma. C'est un genre à part entière qui n'a cessé d'évoluer. Dans les années 80, la plupart des danseurs et chorégraphes travaillaient avec la vidéo comme moyen d'archivage mais également comme médium pour transmettre une chorégraphie aux programmateurs de théâtres et de festivals afin d'éviter de se déplacer. Mais réalisant vite que le manque de profondeur de champ et la fixité des captations frontales de spectacles sur scène ou en studio nuisent à la mise en valeur de leurs pièces, certains chorégraphes se sont mis à créer des œuvres spécialement pour l'image, inventant ainsi le terme de vidéo-danse. Il s'est donc développé à la fin des années 80 et dans les années 90 un fort courant de chorégraphes, en particulier des responsables des centres nationaux chorégraphiques français, travaillant sur ce nouveau médium et collaborant parfois avec des cinéastes.
Quelques vidéo-danse de référence
1986 Mammame de Jean-Claude Galotta réalisé par Raul Ruiz.
1990 Dead Dreams of Monochrom Men de Devil Hinton.
1991 La Lampe, L'Etreinte, La Chambre et La Noce de Bouvier et Obadia filmés en 35 mm et primés au festival de Montréal.
1992 Les Larmes de Nora de Karine Saporta
1993 Trois Regards intérieurs de Odile Duboc.
1994 Motel de Noam Gagnon et Dana Gingras réalisé par Nick De Pencier.