S-21, la machine de mort khmère rouge
, 2003
De Rithy Panh
Scénario : Rithy Panh
Durée : 1h41
Sortie : 11/02/2004
Alors que le procès des criminels de l’humanité du génocide cambodgien n’a toujours pas commencé, le documentariste Rithy Panh réunit anciens bourreaux et victimes dans une prison du régime.
LES AMES ERRANTES
Rescapé des camps de concentration du régime des khmers rouges, le cinéaste Rithy Panh parvient à évoquer le génocide cambodgien sans tomber dans les clichés de la reconstitution historique. Pour réaliser le travail de mémoire, il choisit, comme Jean Hartzfeld pour les massacres au Rwanda (Une Saison de machette), de confronter la parole des bourreaux à celle des victimes, en les emmenant sur les lieux même des atrocités, transformés en petit musée des horreurs. Artiste peintre, Nath accepte de parler devant la caméra pudique du metteur en scène à ceux qui lui ont volé une partie de sa vie. Geôliers, paysans endoctrinés dès le plus jeune âge ou apparatchiks du régime, ces derniers ont commis, assistés ou simplement approuvés les actes de barbaries de Pol Pot et de ses sbires. Nath a pour premier réflexe de faire confirmer par l’un de ses tortionnaires, la véracité des crimes dépeints par ses tableaux qui se sont déroulés entre les quatre murs de ce bâtiment informel de Phnom Penh, de lui faire reconnaître qu’il n’a pas exagéré les exactions commises dans cette prison politique, et qu’il s’agit bien là d’une réalité passée.
MECANIQUE DE L’HORREUR
Lors de séquences chocs, les anciens criminels simulent les gestes d’hier. Terrifiantes images d’hommes qui, sans vraiment en apprécier la portée, s’amusent à reproduire l’inimaginable. On a parfois l’impression qu’un soupçon de fierté éclaire leurs yeux, qu’ils éprouvent une certaine satisfaction à montrer qu’ils avaient une certaine importance – le pouvoir suprême de vie ou de mort. Nath interroge ensuite les anciens gardiens de prison sur leurs motivations. La jeunesse, l’absence d’éducation, l’absolue obligation de respecter la ligne du parti, la peur, aussi, d’être à son tour, emprisonné, tous les prétextes semblent bons pour minimiser leur libre-arbitre au moment des faits. Parfois, la cuirasse cède. Certains se confient à la vision de la photo d’une jeune femme torturée à mort. A l’évocation d’une anecdote sordide, la honte se devine derrière les têtes basses et les regards perdus. Mais jamais des regrets sincères ne sont exprimés… Rithy Panh dédie son film à la Mémoire. C’est bien d’elle dont il s’agit ici. D’un passé inavouable à ne jamais oublier pour tenter de reconstruire un avenir commun. Plus qu’un simple documentaire, S21, la machine de mort khmère rouge est une œuvre d’utilité publique.