Le Ruban blanc

Le Ruban blanc
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Ruban blanc (Le)
Das Weisse Band
Autriche, 2008
Durée : 2h26
Sortie : 21/10/2009
Note FilmDeCulte : ******
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Un village de l’Allemagne du Nord protestante. 1913/1914. À la veille de la première guerre mondiale. L'histoire des enfants et adolescents d'une chorale dirigée par l’instituteur du village, leurs familles : le baron, le régisseur, le pasteur, le médecin, la sage-femme, les paysans. D'étranges accidents surviennent et prennent peu à peu le caractère d'un rituel punitif. Qui se cache derrière tout cela ?

LE VILLAGE DES DAMNES

"Punir la faute des pères sur les fils". Cette phrase, sur laquelle repose le dernier opus d’un réalisateur revenu affaibli de son périple aux Etats-Unis (le décevant Funny Games US), ne parcourt-elle pas finalement toute son œuvre, la hantant progressivement au travers de personnages subissant des accès soudains et imprévisibles et de sauvagerie ? Plongeant cette fois son histoire au cœur de l’Allemagne protestante du début du siècle dernier, et se gardant bien de pointer uniquement du doigt le futur régime nazi ("Ce film ne doit pas uniquement être considéré comme une œuvre sur le fascisme", explique t-il), Michael Haneke tente de saisir les prémices de la barbarie liée à toute tyrannie - après en avoir décliné les conséquences, ou les résurgences, dans certains de ses films précédents. Cette "histoire d’enfants allemande", pour reprendre le sous-titre original du film ("Eine deutsche Kindergeschichte"), s’impose ainsi non seulement comme l’un des meilleurs films (le meilleur ?) du réalisateur autrichien, mais également comme une somme autant qu’une source de son œuvre. Initialement pensé comme une minisérie pour la télévision, dont le format épisodique aurait parfaitement pu coller à la structure du film, Le Ruban blanc devient devant la caméra de Haneke un plaidoyer contre une certaine forme d’intolérance liée à des valeurs que le cinéaste décrit comme "absolues".

Formellement, et même s’il serait bien entendu dommage de n’en retenir que cet aspect, le film est en tout point admirable, tourné dans un noir et blanc sublime (du moins pour la version cinéma, le film ayant également été tourné en couleur pour la diffusion télévisée), contrasté, lumineux. Noir et blanc, et mobilité surprenante de la caméra, qui appuient l’émotion distillée par le film, ce à quoi Haneke ne nous avait pas forcément habitués. Forcément, chez le réalisateur de Caché, l’émotion reste éthérée, mais le cinéaste évite dans ce nouveau film le côté « laboratoire » de ses précédents et donne à ses personnages une réelle dimension, contrairement à, pour prendre son premier film pour exemple, Le Septième continent (dont c’était le principal argument). Deux scènes sont à ce titre magnifiques : celle d’un garçon fortement réprimandé par son père ; celle d’une femme verbalement agressée par son amant, médecin incestueux. Deux scènes, bouleversantes, qui élèvent le cinéma de Haneke dans un univers émotionnel qu’il n’a que rarement pénétré, symptomatiques du fonctionnement de cette communauté, de sa dégénérescence, de son naufrage. Deux scènes qui justifient à elles-seules la vision de ce film admirable, malgré sa durée et son aspect à première vue austère, qu’il demande certes une réelle concentration, mais qui révèle en son sein, pour qui saurait franchir ces barrières, des splendeurs dignes de la Palme reçue au dernier Festival de Cannes.

par Anthony Sitruk

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