Royaume des chats (Le)
Neko no Ongaeshi
Japon, 2003
De Hiroyuki Morita
Scénario : Hayao Miyazaki, Reiko Yoshida d'après d'après l'oeuvre de Aoi Hiiragi
Avec : Yoshihiko Hakamada, Youko Honna, Chizuru Ikewaki, Kumiko Okae, Tetsuro Tamba, Tetsu Watanabe, Takayuki Yamada
Musique : Yuji Nomi
Durée : 1h15
Sortie : 30/07/2003
Lycéenne au bon cœur, Haru est promise en mariage à Loon, l’héritier du Roi des chats qu’elle a sauvé in extremis d’un accident de la route. La jeune fille est invitée séance tenante dans le royaume des moustachus. Sur les conseils d’une voix amie, Haru se rend au Bureau des chats pour dénouer cette épineuse affaire.
CHARIVARI
Repoussé aux calendes grecques, La Petite Sorcière cède l’écran à un Ghibli mi-figue mi-raisin, de facture tout aussi mignonne, mais d’une ampleur nettement en deçà du zénith miyazakien. Dérivé d’un long métrage peu connu du studio, Mimi o Sumaseba (Si tu tends l’oreille), Le Royaume des chats fouine dans les meilleures bottes secrètes de Ghibli, sans réussir à extraire la combinaison magique, ni à maintenir un enthousiasme égal d’une péripétie à l’autre. La trame est pourtant jonchée de pavés rutilants. Hiroyuki Morita et Aoi Hiirogi détournent les trois références maîtresses du conte façon Boucle d’or: la dînette, la maisonnette et les coussinets – ceux des neko ("chats"), plus divinement psychotiques les uns que les autres. L’attention prêtée au salon anglais de Baron et à la ronde des pâtisseries dresse un premier tableau pimpant du Royaume des chats. L’ouverture guillerette et chatoyante nous promène d’un carrefour ensoleillé au repaire nocturne du solennel Baron Humbert Von Gikkingen, escorté par Mouta le matou dodu (ou l’impitoyable Rénaldo Moon). "Une jeune fille inexpérimentée livrée à elle-même sur une terre inconnue…" Les Chihiro, Kiki, Nausicaä et Fio se reconnaîtront sans peine dans leur petite cousine en socquettes blanches.
SOUS CLOCHE
La comédie extravagante prend pourtant le pas sur la flamme aventurière et les grands espaces. Indécise mais vorace, Haru part goûter à la vie princière des félins, sans se douter du piège qui lui est tendu. Une patte posée dans l’autre monde, et l’esthétisme du film bascule du côté mou. Les décors s’appauvrissent, les détails s’amenuisent, la joliesse des saynètes urbaines disparaît au profit d’un château maigrichon. Régime pain sec pour toute la cour. Pour qui rêvait d’un palais gourmand à la Hans et Gretel: léger désappointement. Haru satisfait ses vœux de princesse, mais perd dans la foulée son identité. Plus elle se conforme à la communauté féline, plus elle renonce à ses attaches terrestres et refuse de mûrir. Inabouti, mais désopilant dans ses virages les plus périlleux, Le Royaume des chats pourrait être le pendant enfantin du Voyage de Chihiro. Toujours à la proue du vaisseau, Hayao Miyazaki a couvé et téléguidé les débuts de Morita. Terrain neutre dédié aux jeunes brindilles du studio, l’entreprise peine encore à rivaliser avec Mimi o Sumaseba de Yoshifumi Kondô (décédé en 1998), qui témoignait d’une sensibilité et d’une personnalité bien différenciées des pères fondateurs.
En savoir plus
Mimi o Sumaseba
A la demande de Hayao Miyazaki, la dessinatrice Aoi Hiiragi a repris dans sa nouvelle Le Chat Baron les personnages de son précédent manga, Baron et Mouta, aperçus furtivement dans Mimi o Sumaseba (Si tu tends l’oreille). Ce qui ne devait être qu’un court métrage de vingt minutes est devenu Le Royaume des chats, réalisé par Hiroyuki Morita. Après des participations à la production de La Petite Sorcière et de Mes Voisins les Yamada, Morita met en scène ici son premier long métrage.
Le film de Yoshifumi Kondô explorait une veine plus réaliste, à travers les hésitations sentimentales de Shizuku et Seiji, collégiens studieux passionnés de littérature et de musique. Produit, écrit et story-boardé par Miyazaki, Mimi o Sumaseba porte incontestablement la marque de fabrique du co-fondateur de Ghibli: les thèmes (le doute adolescent, le passage à la vie adulte, la prise en main de son destin), le cadre (la saison estivale, la banlieue japonaise), la qualité formelle (l’animation irréprochable et les jeux délicats de lumière).
Rythmé par la chanson Country Roads de John Denver, Mimi o Sumaseba se regarde comme un récit d’apprentissage. Intrigué par un chat errant (Moon), Shizuku décide de le suivre et découvre l'emplacement secret d’une boutique d’antiquités tenue par un vieux restaurateur. A l'entrée est exposée une fascinante statuette à l’effigie d’un chat (Baron). Pendant que Seiji s’envole pour l’Italie parfaire sa formation de luthier, Shizuku travaille d’arrache-pied pour finir son premier roman inspiré de la statuette.