Roberto Succo
France, 2000
De Cédric Kahn
Scénario : Cédric Kahn
Avec : Viviana Aliberti, Stefano Casseti, Aymeric Chauffert, Patrick Dell'Isola, Vincent Dénériaz, Isild Le Besco
Durée : 2h04
Sortie : 16/05/2001
La longue cavale de Roberto Succo, entre la Provence, les Alpes et le Nord de l’Italie…
Roberto Succo est le film policier ultime, sec comme un thriller, réaliste comme un documentaire, imprévisible comme la réalité. Sans indication chronologique autre que les saisons qui passent, sur plusieurs années, se déroule un jeu du chat et de la souris qui paraît jamais ne devoir s’arrêter. Retraçant le parcours réel d’un tueur pathétique, Cédric Kahn ne porte aucun jugement sur son héros négatif, ni sur ses autres personnages d’ailleurs. Il se contente de relater les faits, de nous donner les éléments de compréhension nécessaires: Succo est un séducteur, Succo dit s’appeler autrement, Succo est mythomane, Succo est fou (mais pas idiot). Succo est un dangereux criminel, démon masqué par un visage d’ange, commettant les crimes les plus innommables avec une candeur déstabilisante, presque touchante. Succo est Stefano Casseti, débutant charismatique au regard bleu magnétique, magnifique révélation qui traduit à merveille l’indicible folie et la tension du personnage, qui renvoie à celle du film. C’est, par un très beau travail de montage, en multipliant les points de vue, celui du criminel, donc incontrôlable, celui des enquêteurs, minutieux, volontaires mais impuissants, et même celui des victimes, très émouvantes dans leur désir de se sauver, que le réalisateur arrive à impliquer autant le spectateur.
A la fin du film, dans le bureau du juge italien, pendant l’espace d’un instant, ces trois points de vue se confondront lorsque le Major Thomas (superbe Patrick Dell’Isola exprimant tout le désarroi des forces de l’ordre devant l’absurdité du crime) interpelle Roberto Succo sur le devenir d’une disparue. Poignant. C’est ainsi que Cédric Kahn évite magistralement le piège de la complaisance, reste respectueux des évènements et, surtout, surtout, des victimes. Mais Roberto Succo est aussi bien plus qu’un simple film policier, ce long-métrage surprend par sa richesse thématique: oeuvre sur le passage à l’âge adulte et les émois de l’adolescence (Roberto Succo n’est au fond qu’un grand enfant, et sa copine incarnée par Isild Le Besco une ado qui se cherche encore); autopsie de la folie (pas) ordinaire, inexplicable et inexpliquée; du rapport qui peut unir le bourreau à sa victime (le fameux syndrome de Stockholm)… Un grand film psychologique, qui impressionne par la justesse des liens qui se tissent entre les personnages, quels qu’ils soient, qu’ils se rencontrent ou non. Décidément incontournable.