Rêves de France a Marseille

Rêves de France a Marseille
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Mars 2000, Marseille, France. La campagne des municipales s’ouvre dans une ambiance de régression politique, notamment pour ce qui est de la place des enfants de l’immigration au conseil municipal. En s’attachant au cas particulier de Tahar Rahmani, conseiller PS grossièrement éjecté des listes, Jean-Louis Comolli et Michel Samson donnent à voir une face des faux-semblants et de l’hypocrisie politique à la française.

MASSILIA POLITICAL SYSTEM

Marseille continue de faire son cinéma. Septième volet de la série de documentaires consacrés par Jean-Louis Comolli à la cité phocéenne, Rêves de France à Marseille se veut le point d'orgue d'une édifiante expédition dans les coulisses politiques d'une ville effervescente. Après s'être penché sur les élections municipales de 1989 (Marseille de père en fils), les régionales de 1992 (La Campagne de Provence), les législatives de 1993 (Marseille en mars) puis de 1997 (La Question des alliances), les municipales de 1995 (Marseille contre Marseille) et enfin les cantonales de 2001 (Nos deux Marseillaises), Comolli boucle la boucle en s'intéressant aux municipales de 2001. C'est donc dans cette continuité qu'il convient d'appréhender cet ultime volet. Ici, il n'est plus question pour Comolli de faire entrer progressivement son spectateur dans son univers ensoleillé "avé l'accent". Toute démarche de familiarisation est ici exclue, car considérée comme acquise. Le titre l'annonce, d'ailleurs: Marseille n'est plus ici qu'un échantillon, qu'un élément révélateur d'une réalité plus grande, nationale. L'ouverture se fait donc brutale, chahutée par les rythmes endiablés du grand raout populaire de la Massilia. Ce sera l'un des rares bains de foule que s'autorisera la caméra de Comolli. Le reste se fait en apnée sous les lignes de flottaison, et l'on y respire mal. Austère, direct et dense, Rêves de France à Marseille s'impose d'emblée comme un film exigeant, dont il faut accepter le dispositif (alternance bancale de séquences sans commentaires à la Strip-Tease, d'interventions énergiques du charismatique Michel Samson et d'interviews-vérité) et le traitement (sans véritable mise en place, présentation des acteurs, ni repères clairs) sous peine d'être vite perdu en route.

EN PLEINE (PETITE) LUCARNE

Cette austérité de forme est d'autant plus regrettable que Comolli aborde avec pertinence un sujet difficile, politiquement tabou et habituellement invisible. En prenant le cas particulier de Tahar Rahmani, et en décortiquant les rouages de sa maladroite mise à l'écart des listes municipales PS, le documentariste met en lumière le déséquilibre flagrant de représentation entre la population maghrébine et les hommes politiques issus de l'immigration (un cinquième de la population marseillaise est d'origine maghrébine, ce qui n'a évidemment rien à voir proportionnellement avec les quatre enfants de l'immigration sur 101 membres du conseil municipal). Mais plus loin que ce triste constat, intelligemment et clairement énoncé, Comolli parvient également à dresser, en quelques entretiens bien menés, un état des lieux inquiétant de l'évolution des positionnements politiques, annonciateur du 21 avril. Où l'on saisit dans toute sa cinglante évidence l'éloignement progressif de la gauche d'avec son électorat traditionnel (les milieux modestes et la jeunesse notamment), sa pernicieuse récupération par la droite, manière de comprendre a posteriori l’incapacité du PS à trouver un souffle nouveau après le séisme frontiste. Reste que cette démonstration pour le moins bienvenue est plombée par une structure boiteuse et une réalisation peu inventive. Et cette absence de véritable projet de cinéma, qui ne gênait pas dans les six premiers volets, faits pour être vus à la télévision, passe mal l'épreuve du grand écran. Seulement voilà, cette fois, la petite lucarne n'a pas voulu de Comolli et Samson. Ça vous surprend encore? Tant mieux: s'y habituer serait sans doute pire encore...

par Guillaume Massart

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