Replicant
États-Unis, 2001
De Ringo Lam
Scénario : Larry Riggins, Les Weldon
Avec : Michael Rooker, Adrian Scaborough, Jean-Claude Van Damme
Durée : 1h40
Sortie : 11/07/2001
Un flic est à la poursuite depuis trois ans d'un tueur surnommé The Torch par les journeaux. Devant l'échec de l'enquête, le gouvernement lui adjoint un clone du tueur, censé l'aider dans ses recherches. Le replicant n'est qu'un enfant. Mais durant son éducation, il sera attiré à la fois par le flic et le tueur, avec qui il noue des relations télépathiques. Quelle voie choisira t-il finalement ?
VAN DAMME PREND DES RISQUES
Pour comprendre ce que vaut vraiment le nouveau film du tandem Lam-Van Damme, il nous faut effectuer un bref retour en arrière dans la carrière de cet acteur belge, propulsé star mondiale grâce à son rôle de cinq minutes dans Karate Tiger. En 1993, alors qu'il sort de Universal soldiers, l'un des plus grands succès de sa carrière, Van Damme signe pour le film Cavale sans issue, un néo western du bon Robert Harmon, dans lequel il doit faire les preuves de ses talents de comédien et non plus de karateka. Le film contenant très peu d'action, il se plante gentiment au box office américain, les spectateurs lui reprochant ses ambitions. Van Damme n'en a cure et enchaîne désormais les films sans compromis. Des oeuvres qui ne peuvent pas plaire au public, et ne plaisent pas tant elles sont parfois extrêmes, le point limite étant atteint avec les deux films réalisés par Tsui Hark, Double Team et Piège à Hong Kong, deux plantages absolus, du genre à briser une carrière. Alors que le public ne lui demande que de revenir aux films de karaté, l'acteur se cherche et sombre toujours plus bas dans les abysses du box office, allant jusqu'à tourner un film pour PM Entertainment (producteur de séries z), Desert Heat. Cette courte filmographie nous permet de mieux appréhender Replicant, qui reste ce que l'acteur a fait de mieux depuis un bout de temps. Dans un sens, ce film est une déception. Alors qu'on attendait un film encore plus extrême, plus dur, plus chinois en gros (la nationalité du réalisateur), le film se présente comme un grosse série b de luxe, classique, ultra linéaire et cohérente, bourrée d'action, où Van Damme fait plaisir à ses fans de la première heure en leur offrant un tas de coups de pieds retournés et de grands écarts faciaux.
La raison de ce retour au cinéma d'action vient probablement aussi de Ringo Lam, le cinéaste chinois qui a réussi le mieux à s'intégrer à la culture américaine dans ses films (en effet, alors que Chasse à l'homme et Piège à Hong Kong portent ouvertement la marque du cinéma chinois, Risque maximum est un pur film américain). Lam n'a jamais cherché, dans ses deux films hollywoodiens, à bouleverser le cinéma américain. Bien au contraire, sa méthode est plus insidieuse. Dans Risque maximum, il s'essayait au film policier musclé mais réalisait finalement un film très proche du cinéma français des années 1970. Lam ne donne finalement pas ce qu'on peut attendre de lui. Il ne pouvait que s'entendre avec un Van Damme à la recherche d'une nouvelle respectabilité. On voit bien ici ce qui a pu plaire à l'acteur. Un double rôle comme il les affectionne (Double impact, Risque maximum), un fort potentiel en scènes d'action, un postulat qui chemine entre action et SF (genre dans lequel il a par le passé excellé en terme de box office). Mais surtout, le scénario ne pouvait que lui plaire tout simplement parce qu'il ne raconte rien d'autre que l'histoire de l'acteur lui même. Celle d'une renaissance, d'une seconde chance. Le clone garde en mémoire les événements de Torch, mais il est libre de les renier ou de les accepter. Le tueur a ainsi l'opportunité de renaître à travers ce personnage foncièrement bon et honnête, délivré en tout cas des démons de l'enfance (mère abusive et traumatisante). Tout comme Van Damme qui se voit offrir avec ce film une chance de faire table rase des critiques haineuses qui ne se contentent bien souvent de ne citer que des phrases d'une interview "aouaire" hilarante. Jeanclod retrouve Van Damme, son double, son "replicant", bien décidé à récupérer une partie de son public passé.
Et que vaut-il dans Replicant, Van Damme, justement ? Disons le franchement, il est superbe, dans les deux rôles. L'avantage de cet acteur sur un Steven Seagal par exemple, c'est qu'il ne s'est jamais pris au sérieux, il a toujours cherché des personnages qui ne lui demandaient pas plus d'expressions que celles que son jeu d'acteur limité pouvait lui fournir. Ici, il joue donc les rôles d'un tueur froid et sanguinaire et d'un enfant dans un corps d'adulte. Bien entendu, on pourra ironiser en disant que ce dernier n'est pas un rôle de composition. Peu importe, il est excellent. Tour à tour inquiétant, drôle, sensible, touchant, émouvant. Ce double rôle est pour lui un véritable cadeau d'un scénariste à un acteur, le rôle d'une vie. Et la grosseur apparente des traits du scénario ne cache pas la finesse de ces deux personnages presque identiques. L'un à la recherche d'une famille, d'un passé, l'autre constamment en fuite, poursuivi par ce même passé. L'un remplaçant progressivement l'autre. Une très belle idée. La transition, la renaissance, se faisant bien entendu dans la douleur et la violence. C'est là aussi que le film surprend, dans cette violence excessive, qui fait de Replicant le film le plus sombre de la star. Brutal, le personnage de Torch massacre des femmes, les brûle sous les yeux de leurs enfants, tabassent des malades et des infirmières dans un hôpital, tue plusieurs personnes de sang froid, laissant le spectateur incapable de prévoir véritablement les événements qui vont suivre. Car avec un tel personnage, à l'image du tueur de Seven, absolument tout est possible. L'allusion au film de Fincher n'étant pas hasardeuse puisque Replicant cite ouvertement Seven lors de la scène de perquisition de l'appartement du tueur. Van Damme a eu une seconde chance, et il a su la saisir avec un brio et un professionnalisme immenses. Ne vous laissez pas avoir par l'image d'abruti aouaire qu'il se traîne. Allez voir ce film devant lequel on prend un plaisir immense à revoir un acteur qu'on avait trop longtemps mis de côté. Un acteur qui revient sur le devant de la scène grâce à un film foutrement bien foutu. Des retrouvailles, en somme.