Réparer les vivants
France, 2016
De Katell Quillévéré
Scénario : Katell Quillévéré, Gilles Taurand
Avec : Dominique Blanc, Anne Dorval, Bouli Lanners, Tahar Rahim, Emmanuelle Seigner
Photo : Tom Harari
Musique : Alexandre Desplat
Durée : 1h43
Sortie : 01/11/2016
Tout commence au petit jour dans une mer déchaînée avec trois jeunes surfeurs. Quelques heures plus tard, sur le chemin du retour, c’est l’accident. Désormais suspendue aux machines dans un hôpital du Havre, la vie de Simon n’est plus qu’un leurre. Au même moment, à Paris, une femme attend la greffe providentielle qui pourra prolonger sa vie…
LE CŒUR A SES RAISONS
Commençons par un "petit" coup de gueule. Chaque année, le débat de la place des femmes au Festival de Cannes revient sur le tapis (rouge) et agite les discussions jusqu'à notre rédaction. L'argument principal du statu-quo repose sur une confiance aveugle dans les choix des sélectionneurs qui ne regardent pas le genre des cinéastes avant d'établir leur liste. D'où notre incompréhension, ici exprimée. Comment un tel film, adapté d'un récent chef d’œuvre de la littérature française, mis en scène par une jeune réalisatrice à la grande ambition formelle, a pu être écarté en mai dernier au profit, par exemple, du triste La fille inconnue des frères Dardenne ? Mystère... On espère que les votants des César répareront l'injustice par une vague de récompenses. Nous n'avions pas ressenti un tel souffle de cinéma, un tel tourbillon émotionnel, le cœur à vif, depuis Mommy de Xavier Dolan. La présence de la géniale actrice canadienne Anne Dorval au générique de Réparer les vivants n'est pas fortuite, la réalisatrice s'inscrivant pleinement dans cette volonté décomplexée d'aborder le mélo et les grands sentiments. Cela tient sans doute à une histoire de génération, à une envie de croquer dans le cinéma à pleines dents, en utilisant toutes les armes cinématographiques mises à disposition, sans tabou, quitte à frôler parfois le trop-plein de sens et travelling, mais qu'importe.
A la vision de Réparer les vivants, nous avons beaucoup pensé à Toutes nos envies de Philippe Lioret, mauvaise adaptation du sublime roman D'autres vies que la mienne d'Emmanuel Carrère. Ce dernier film refusait plusieurs fois l'obstacle de la représentation pour devenir un téléfilm bien joué, comme s'il fallait soustraire ce qui peut choquer pour entrer dans le moule télévisuelle. Katell Quillévéré et le scénariste Gilles Taurand ont su, eux, étoffer le récit de Maylis de Kerangal pour lui donner une dimension métaphorique sur le besoin d'avoir un cœur qui bat pour vivre, au sens propre comme au sens figuré. Surtout, la réalisatrice de Suzanne relève tous les défis, de la sublime scène de surf qui ouvre le film au suspense final, haletant comme peu de thrillers ont pu l'être cette année. Il y a aussi une formidable candeur dans le film, une audace de tous les instants, et puis une lumière, celle u'apporte immédiatement Simon, le jeune garçon et qui revient, sans cesse, éclairer les nuits les plus sombres.